Contre toute attente et tout calcul d’affaires, un groupe de musiciens touaregs qui n’avaient pratiquement jamais quitté leur partie du monde, l’Adrar des Ifoghas, au nord du Mali et au sud de l’Algérie, connait un succès international! Et cela, sans même modifier leur musique, leur culture, ni leur langage, de surcroit! Comme quoi l’authenticité fonctionne et touche.

La formation Tinariwen en est à son 8e album depuis sa formation en 1992, mais ce n’est qu’avec “Aman Iman” de 2007, puis “Tassili”, paru en 2011 et récipiendaire d’un Grammy Awards catégorie musique du monde que l’Occident apprend leur existence. “Elwan” rejoint maintenant les mélomanes ouverts d’esprit qui arrivent à laisser tomber les barrières du langage et du format musical pour se connecter directement aux humains qui s’expriment ici de brillante façon.

Le jeu de guitare blues sur Ittus est brut, bien senti, aussi vrai que John Lee Hooker l’était en 1958 lorsqu’il chantait dans le delta du Mississippi. Un moment fort de l’album. Comment, aussi, ne pas être ému des lamentations sur d’autres morceaux, même en ne comprenant pas un traître mot de ce que l’on y chante?

“Elwan” est sans doute l’album de Tinariwen le plus accessible (à moins que ce ne soit moi qui me suis habitué?). Plusieurs titres, comme Ténéré Tàqqàl, sont calmes et doux, ce qu’on retrouvait moins sur les premiers albums du groupe. Talyat, avec ses guitares sèches, sonne plus doux aux oreilles néophytes.

 

Tinariwen est une formation aux membres volatiles : y jouent les collaborateurs du moment qui vont et viennent. Cette fois, on y entend Ibrahim ag Alhabib, Alhassan ag Touhami et Alhousseini ag Abdoulahi (tous les trois aux guitares et chant), Eyadou ag Leche à la basse, Elaga ag Hamid à la guitare, Saïd ag Ayad aux percussions, Iyad Moussa Ben Abderahmane, aussi aux guitares et Mina Wallet Oumar aux chœurs.

Pour une première fois, des musiciens occidentaux participent à certaines pièces : Kurt Vile, Matt Sweeney, Mark Lanegan (de  Screaming Trees, Mad Season, Queens of the Stone Age) et Alain Johannes (collaborateur de Queens of the Stone Age, Arctic Monkeys et Them Crooked Vultures) sont dispersés sur 3 des 13 morceaux de “Elwan”.

En 2007 arrivait avec éclat “Aman Iman” en Occident et marquait le coup dans les cercles de musique du monde (comme on l’appelle, vu de l’extérieur). En plein débat sur les accommodements raisonnables au Québec, l’arrivée de ces hommes voilés, magnifiquement vêtus, ajoutait à la variété des us et coutumes auxquels nous sommes exposés. Cette musique traditionnelle issue du désert, jouée sur des guitares électriques modernes détonnait aussi des groupes de musiques traditionnelles. On voyait clairement qu’on avait affaire à de véritables touristes, pas à des attrape-touristes.

J’ai eu la chance de les voir jouer sur scène au Club Soda dans le cadre du Festival de Jazz de Montréal en 2007, et ne les manquez pas le 13 avril prochain, car ces huit musiciens fouleront les planches de la prestigieuse scène de la Salle Wilfrid-Pelletier de la Place-des-Arts. Voilà une belle consécration!

Tinariwen elwan

TINARIWEN
Elwan
(Anti-, 2017)

-Genre: world / blues du désert
-Dans le même esprit qu’Ali Farka Touré, John Lee Hooker, Bonobo

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Lire un autre critique du groupe ici.

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Mélomane invétéré plongeant dans tous les genres et époques, Nicolas Pelletier a publié 6 000 critiques de disques et concerts depuis 1991, dont 1100 chez emoragei magazine et 600 sur enMusique.ca, dont il a également été le rédacteur en chef de 2009 à 2014. Il publie "Les perles rares et grands crus de la musique" en 2013, lance le site RREVERB en 2014, et devient stratège numérique des radios de Bell Média en 2015, participant au lancement de la marque iHeartRadio au Canada en 2016. Il dirige maintenant la stratégie numérique d'ICI Musique, la radio musicale de Radio-Canada.