Le matériel qu’a tissé Arto Lindsay au fil de sa carrière solo et qui est répertorié sur « Encyclopedia of Arto » ne se laisse pas définir aisément. Il faut dire que ce monsieur est le genre d’oiseau curieux qui se tient loin des conventions et des habitudes. Ceci dit, cet avant-gardiste et le dialogue biscornu qui lui est propre me réclament abondamment. En effet, si depuis plusieurs années, sa musique est, à la base, plutôt centrée sur les textes et influencée par la bossa-nova; plusieurs surprises nous attendent sur chaque morceau. Les textes y sont langoureux et poétiques et généralement accompagnés de guitares et de piano magnifiques. Mais la minute suivante, nous sommes assaillis par des sons « glitch » et des rythmes empruntant plus au Drum-and-Bass qu’aux pièces d’un chanteur à textes usuellement. Le musicien d’origine brésilienne nous sert des ambiances feutrées et jazzées, mais y ensemence toujours en sourdine des sonorités insolites; parfois du bruit carrément, parfois des lignes de basses quasi-techno pour revenir enfin à des cuivres languissants et nous surprendre au final par un petit solo de guitare baigné de distorsion qui ne sonnerait pas déplacé sur une pièce de Sonic Youth. Mais au fil de ces assemblages, chaque chanson demeure cohérente et assez ensorceleuse. Et malgré une voix plutôt monocorde, le groove et la sensualité se dégageant de l’œuvre sont plus que dignes de mention. Une schizophrénie sympathique Tous les égarements musicaux de M. Lindsay ne sont pas difficiles à comprendre compte tenu du parcours impressionnant de cet Américain de 61 ans. C’est au sein de formations plutôt punk rock et/ou expérimentales New-Yorkaises qu’il a amorcé sa carrière (DNA, Lounge Lizards, Ambitious Lovers) dans les années 80. Il a au fil des ans collaboré avec de nombreux artistes importants tels que Laurie Anderson, John Zorn et David Byrne. Et si toutes ces aventures dissonantes sont restées imprégnées, ce sont les résonnances du Brésil de son enfance qui sont plus au-devant depuis près de deux décennies. Ainsi, pour ici bien représenter cette schizophrénie sympathique; l’album est étalé en 2 parties avec en première moitié du programme une rétrospective des pièces version studio et sommes toutes paisibles de sa carrière solo. Mais il faut être averti, la deuxième planche offerte ici est captée d’une performance se voulant une rétrospective des mêmes chansons, mais à la guitare électrique « noise » et voix seulement. Et si cette forme permet de faire ressortir la richesse des dissertations, ce genre de prouesse artistique d’improvisation cacophonique n’est pas à la portée de tous. Mais si le critique se concentre ici sur les fluctuations chaotiques et vous dissèque le tout de manière plutôt froide, il faut dire que les escapades de M. Lindsay, sans être primordiales dans une bibliothèque musicale, valent définitivement le détour et sont très recommandables à quiconque. Dans la grosse période « Lounge » (cigares et porto) des années 90, il n’était pas rare d’entendre cette musique chaude en arrière-plan, aussi bien dans des salons que lors de soirées mondaines, vernissages, etc. Assez jouissif pour un mélomane Il y avait plus d’une bonne décennie que je n’avais pas écouté cet artiste. J’en avais usé abondamment entre 1997 et 1999 pour la sortie de trois de ses albums solos assez importants: “Mundo Civilizado”, “Noon Chill” et “The Prize”. Ce sont des variations qui m’apostrophent, car ce genre de tiraillement musical, tous genres confondus, sollicite intérieurement et simultanément plusieurs teintes du spectre de mes gouts musicaux; world, jazz, textes riches, électro, punk, rock indépendant. Dans mon univers de mélomane tout ça se côtoie sans problèmes et de les entendre se chamailler dans des pièces de 4-5 minutes, c’est assez jouissif pour un amoureux de la musique. Arto nous berce d’amalgames qui ne sont jamais brouillons et ce genre de sensibilité artistique insolite, ces salades de poésie et de sons arrivent à faire vibrer l’auditeur de multiples manières bienfaisantes. ARTO LINDSAY Encyclopedia of Arto (Northern Spy Records, 2014) -Genre : Tropicalia, Bossa-Nova, Art-Rock -Bien incorporer le tout avec une part de Gastr del sol, une tasse de Boredoms, une pincée d’Esquivel. Lien vers l’achat en ligne (iTunes) Lien vers la page Facebook de l’artiste ARTO LINDSAY – Lyrisme et Juxtapositions Originalité90% Authenticité85% Accessibilité70% Direction artistique80% Qualité musicale75% Textes75%79%Overall ScoreReader Rating: (0 Votes)0%Réagissez à cet article / Comment this article commentaires / comments