Pour clore sa saison 2015-2016, l’Orchestre symphonique de Montréal (OSM) interprétait une œuvre très particulière à la Maison symphonique hier soir. Kent Nagano dirigeait son Orchestre dans le War Requiem de Benjamin Britten, une œuvre ingénieuse et profonde qui a été jouée avec brio.
Ce War Requiem trouve ses origines premières dans des événements malheureux de la Deuxième Guerre mondiale. En novembre 1940, la ville anglaise de Coventry a été rasée par des bombardements allemands. Au cœur de cette cité millénaire se trouvait la cathédrale Saint-Michel, datant du 14e siècle. Le 30 mai 1962, l’ouverture de la cathédrale reconstruite est célébrée, et Britten, âgé de 48 ans, avait été chargé de créer une œuvre pour l’occasion. Le War Requiem est ainsi composé (et terminé à Montréal alors qu’il séjournait au Ritz-Carlton), en souvenir de cette Guerre dévastatrice, mais également de celle en cours alors, bien que Froide.
La pertinence et l’originalité de ce Requiem est frappante. Britten juxtapose des textes liturgiques en latin, tirés du Missa pro defunctis, et des poèmes de Wilfred Owen. Ce dernier a combattu durant la Première Guerre mondiale et est décédé une semaine avant l’Armistice du 11 novembre 1918. Ses vers décrivant les horreurs de la guerre sont d’un réalisme et d’une brutalité à faire frémir.
Si le fait d’allier ces deux sources a été une idée de génie de Britten, la composition orchestrale l’a été tout autant. Un orchestre colossal est requis (avec orgue), de même qu’un chœur imposant. Britten ajoute également un autre chœur, composé celui-là d’enfants. On compte aussi sur trois solistes; un ténor, un baryton et une soprano. Britten innove en incorporant au tout un orchestre de chambre comptant sur 11 musiciens. L’orchestre de chambre appuie les deux solistes masculins (qui interprètent les poèmes d’Owen), alors que les chœurs et la soprano déclame les textes en latin.
Tout ce beau monde a trouvé sa place sur la scène de la Maison symphonique hier soir. La disposition scénique était judicieuse : la soprano était sur une plateforme surélevée, à la gauche de l’orchestre. L’orchestre de chambre était à la gauche de la scène, tout près des deux solistes qu’il accompagnait. Le chœur d’enfants, le Princeton High School Women’s Choir, était au niveau de la Mezzanine, tout près de l’organiste Jean-Willy Kunz, qui était perché au milieu.
Kent Nagano avait donc fort à faire pour diriger tous ces musiciens et chanteurs. Le directeur artistique de l’OSM a mené de main de maître ces quelques centaines de participants. Tous ont offert une remarquable performance. Les solistes Catherine Naglestad (soprano), Ian Bostridge (ténor) et Russell Braun (baryton) ont été très bons. Ce dernier a éprouvé initialement quelques ennuis à projeter sa voix, mais, à sa défense, il a été appelé à remplacer Thomas Hampson à pied levé.
Les variations de volume dans l’œuvre sont frappantes, avec l’orchestre qui dialogue souvent puissamment avec le chœur et la soprano, alors que les poèmes chantés par le ténor et le baryton sont dans un registre fréquemment minimaliste. Nagano s’assure de bien balancer les énergies de tout un chacun, donnant un résultat juste et bien équilibré. La richesse et l’universalité du message de paix est d’autant plus mise à l’avant-plan. Citons pour ce faire Wilfred Owen : « Quel glas sonnera pour ceux, qui, comme bétail, seront abattus? Seulement la monstrueuse rage des armes ».
Pour les intéressés : cette superbe pièce sera reprise samedi et dimanche. Après le Concours international de musique de Montréal, les musiciens auront ensuite droit à repos bien mérité, avant de reprendre le collier dans les parcs. La Virée classique suivra ensuite les 12 et 13 août en salle, et avec un volet gratuit et extérieur dès le 10 août. Cet événement s’affirme de plus en plus comme un incontournable de l’été montréalais, à insérer aux côtés des autres grands festivals. Bien que plus modeste et restreint que les autres festivals de la métropole, la Virée classique participe beaucoup à rendre la musique « classique » accessible, abordable et vivante pour un large public. Souhaitons que les mélomanes de tout acabit puissent saisir l’opportunité qui est offerte!

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Curieux de nature, Benoit est un boulimique musical qui consomme de presque tous les genres. Du punk au classique, en passant par le folk, le psychédélique et le rockabilly, il sait apprécier les subtilités propres à chacun de ces courants musicaux. À travers des centaines d'heures d'écoute et de lecture de biographies, il tente de découvrir les motivations et les secrets derrière les plus grands albums et les œuvres grandioses des derniers siècles. Il parcourt aussi les salles de spectacle de Montréal, à la recherche de vibrations directes.