Soucieux d’être dans le vent et de s’impliquer dans sa communauté, l’Orchestre symphonique de Montréal (OSM) célébrait, six jours plus tard, les 50 ans de l’ouverture du métro de Montréal. Pour souligner l’événement, l’OSM avait commandé deux œuvres originales de compositeurs canadiens. José Evangelista, résident montréalais d’origine espagnole, et Robert Normandeau ont respectivement composé les pièces Accelerando et Tunnel azur. Kent Nagano dirigeait l’Orchestre dans ces deux pièces, en plus de compositions de Robert Schumann et Richard Strauss. L’OSM faisait usage par ailleurs pour la première fois lors d’un concert de l’octobasse, ce rarissime instrument faisant 3,6 mètres de haut et pesant 132 kg. Heureusement, cette soirée de grandes premières n’a pas déçu.

La composition d’Evangelista ouvrait le concert. Cette intéressante pièce orchestrale de 15 minutes était parsemée de bruits qui évoquaient l’univers sonore du métro montréalais. Très vivante, l’œuvre semblait en perpétuel mouvement, un peu comme le métro qu’elle tentait de représenter. Evangelista a par ailleurs laissé une voix à l’imposante octobasse, qui domine la scène, de sa position à la droite de scène. Eric Chappell est l’octobassiste de l’OSM, sûrement un des seuls au monde à en jouer, puisqu’il n’y aurait que trois autres octobasses, toutes dans des musées!

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Eric Chappell sur la nouvelle octobasse de l’OSM. Photo prise par Antoine Saito

La pièce de Normandeau a également intégré de manière très active le nouvel instrument de l’Orchestre. Le compositeur québécois nous a toutefois amené complètement ailleurs, avec une œuvre de musique électroacoustique, acousmatique de surcroît (c’est-à-dire que la source des sons est cachée). Les lumières étaient donc fermées, et aucun musicien ne se trouvait sur la scène. Accompagnés de sons enregistrés dans le métro de Montréal durant le jour et la nuit, les musiciens nous livrent un « cinéma pour l’oreille ». L’impression d’être dans un tunnel, un souterrain, voire une caverne, est intense. L’expérience est déroutante par moments, il y a peu de mélodies, mais on apprécie.

Le Norvégien Truls Mørk était soliste dans le Concerto pour violoncelle de Schumann, composé en 1850. Le romantique allemand a voulu que les trois mouvements de cette pièce s’enchaînent un à la suite de l’autre.  Très importante dans le répertoire concertant pour violoncelle, l’œuvre est d’une grande poésie, comme Schumann sait si bien le faire. Truls Mørk rend d’ailleurs justice au grand lyrisme inhérent à l’œuvre. Il est à l’avant-plan, alors que l’Orchestre occupe une place plutôt minime la majorité du temps. Soliste et Orchestre ont une très belle cohésion, aidée par Nagano. Mørk a une superbe sonorité, riche et précise, à laquelle rend justice son magnifique violoncelle fait par le luthier vénitien Domenico Montagnana en 1723. Les exigences techniques du finale demandent une grande virtuosité, et le violoncelliste ne faillit pas à la tâche.

Pour compléter ce programme chargé, l’OSM s’attaquait au poème symphonique Une vie de héros, d’un autre Allemand, Strauss cette fois. Ce dernier raconte ainsi une histoire (sans mot) en musique, son histoire. L’inspiration de cette œuvre longue de cinquante minutes serait effectivement de nature autobiographique. Strauss reprend même plusieurs de ses propres thèmes qu’il avait utilisés dans d’autres compositions antérieures. Composée en 1898, la pièce se divise en six parties, jouées sans pause. Avec près de 100 musiciens, l’Orchestre est flamboyant et intimidant. Strauss a cette capacité à faire ressortir toutes sortes de couleurs et de textures orchestrales. Nagano et l’OSM sont d’excellents interprètes de cette musique qui y va tout de même de saisissants contrastes. Aux séquences fougueuses et presque violentes, voire chaotiques, succèdent des moments de douceur et de tendresse. Le violon solo de l’OSM, Andrew Wan, épate encore une fois lors des longs extraits où il peut se faire valoir.

Avis aux intéressés, ce concert sera repris ce samedi et dimanche, toujours à la Maison symphonique. Le spectacle sera également disponible gratuitement dans les prochains mois sur la plateforme en ligne Medici. Ce sera une belle occasion pour voir à l’œuvre cette fameuse octobasse, qui ajoute une profondeur intéressante à l’Orchestre. Elle ne se prêtera évidemment pas à tous les genres de musique, mais espérons que l’OSM soit en mesure d’exploiter son plein potentiel. Il faudra surveiller la manière dont l’OSM l’intègrera dans son répertoire régulier. L’OSM est le seul orchestre au monde à disposer d’un tel instrument! Et le tout se passera sous nos yeux, tout près d’une station de métro.

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Curieux de nature, Benoit est un boulimique musical qui consomme de presque tous les genres. Du punk au classique, en passant par le folk, le psychédélique et le rockabilly, il sait apprécier les subtilités propres à chacun de ces courants musicaux. À travers des centaines d'heures d'écoute et de lecture de biographies, il tente de découvrir les motivations et les secrets derrière les plus grands albums et les œuvres grandioses des derniers siècles. Il parcourt aussi les salles de spectacle de Montréal, à la recherche de vibrations directes.