Le 27 août 1967 survint un événement malheureux qui allait changer le destin du plus important groupe pop de l’histoire de la musique. Le décès, par overdose de barbituriques, du gérant des Beatles, Brian Epstein, allait complètement déboussoler les quatre musiciens qui, à partir de ce moment nagèrent dans la confusion organisationnelle. Bien qu’Epstein n’ait jamais touché à un instrument de musique au sein du Fab Four, c’est lui qui a dirigé la carrière des Beatles de leurs jours à la Cavern de Liverpool jusqu’aux sommets, dans ce qu’on appela la « Beatlemania ». Habile gérant et gestionnaires d’affaires, Epstein – originaire de Liverpool comme les Lennon, McCartney, Harrison et Starr (et même Pete Best, le premier batteur du groupe) – est l’aîné du plus vieux des Beatles par seulement six années. Mais rappelons-nous que John Lennon n’avait que 21 ans lorsque les Beatles jouaient à la Cavern. Le Fab Four était constitué de tout jeunes hommes (avec déjà un solide bagage musical derrière eux!). Epstein, qui était un homme très élégant, homosexuel (fait caché à l’époque) et ayant un fort penchant vers le stylisme vestimentaire, transforma les quatre « rockers » qu’étaient les Beatles dont l’attirail se limitait aux vestes de cuir, cheveux gommés et bottes de cowboy en quatre garçons dans le vent, avec vestons uniformisés et look plus poli. Cette stratégie permit aux Beatles d’élargir leur auditoire, notamment chez les filles, un public important chez les groupes pop britanniques de l’époque. La légende raconte qu’Epstein était follement épris de John Lennon et que cet amour à sens unique ne fut jamais consommé, bien que le gérant amène le leader du groupe en vacances seul à seul en Espagne en avril 1963. Epstein et Lennon C’est également Brian Epstein qui démarcha sans relâche de maison de disque en maison de disque pour faire accéder les Beatles à une distribution nationale en dehors de leur ville natale de Liverpool, se faisant répondre(des non-sens aujourd’hui) comme « les groupes de guitares ne feront pas long feu » ou encore « vous devriez vous concentrer sur le marché de Liverpool » par les différents exécutifs de labels de l’époque. Epstein, croyant fermement au talent des Beatles, s’était donné comme objectif qu’ils seraient « bigger than Elvis ». C’est un certain George Martin, chez EMI, qui leur donna leur chance « à condition de remplacer le batteur Pete Best ». Martin allait jouer un rôle important dans l’orchestration de leur musique à partir de ce moment-là. George Martin et Brian Epstein Une fois le succès atteint, Epstein était aussi celui qui s’occupait des tournées des Beatles, de leurs droits d’auteurs (il détenait 51% des Northern Songs) et de leur marchandise promotionnelle – bien qu’à l’époque, il était difficile de garder le contrôle sur la marque et l’image d’un produit ou d’un artiste. Pourtant, Brian Epstein était un homme vivant un grand complexe d’infériorité, qui avait échoué ses études, son service militaire et son passage à l’école de théâtre. Il avait vécu de l’intimidation et été rejeté, et était émotionnellement instable, voire dépressif. Il eut la chance de travailler dans la section musicale d’un magasin d’une chaîne fondée par son père où son enthousiasme pour la musique populaire locale en fit un fin connaisseur, reconnu par les consommateurs de disques de l’époque et ultimement par les musiciens de cette scène foisonnante, au début des années 60. L’ampleur du vide causé par son décès, le 27 août 1967, – probablement accidentel bien que la possibilité d’un suicide n’avait pas été écartée – dans la vie de John Lennon, Paul McCartney, George Harrison et Ringo Starr causa une réelle catastrophe au sein du groupe. À ce moment-là, l’album concept « Sgt Pepper’s Lonely Hearts Club Band » avait été lancé depuis trois mois. Les Beatles étaient au sommet de leur art, ayant évolué de groupe pop pour ados hurlant à leurs spectacles (au point où ils cessèrent d’en faire après le celui du 29 août 1966 au Candlestick Park à San Francisco) à un groupe de solides compositeurs avec une touche artistique qui allait être célébrée pendant des décennies. Les Beatles sont aujourd’hui les « Mozart » du rock : leurs chansons vont dépasser les modes et les genres, et sont devenues une influence majeure et incontournable. « Sgt Pepper » est considéré par plusieurs experts comme l’album le plus important de l’histoire du rock (ou « le meilleur », c’est selon). Attristés par le décès de celui qui était devenu leur ami et leur capitaine de ce navire devenu paquebot, désemparés au niveau de la gestion de leurs affaires, les Beatles ne surent pas à qui confier le gouvernail de leurs affaires. D’une certaine façon, ils n’avaient pas non plus le pouvoir d’y faire grand-chose. C’est le frère de Brian Epstein, Clive qui gère ensuite NEMS Enterprises, mais la confusion rend le tout impossible et il abdique dix-huit mois plus tard. Les Beatles voudront reprendre les choses en main eux-mêmes… et c’est là que les tensions augmenteront entre les principaux acteurs du groupe, Lennon et McCartney. Habiles musiciens, mais trempant pas mal dans la drogue (douce et hallucinogène) à cette époque, ils se lancent dans plusieurs projets qui ne tiennent pas la route, ni financièrement ni artistiquement parlant. Le projet « Magical Mystery Tour » fut boiteux, avec sa tournée médiatique en bus et ses clips mal ficelés, puis la création d’ « Apple Records » dans laquelle les Beatles eux-mêmes s’imaginaient pouvoir s’occuper d’artistes émergents furent des échecs, à part quelques exceptions comme Mary Hopkins, Bad Finger (dont les seuls succès furent signés par McCartney) et la découverte du jeune James Taylor, éventuel grand nom du folk américain. Apple Boutique (Photo par Bob Aylott/Keystone/Getty Images) Les relations se détériorèrent entre les amis (et rivaux) d’adolescence qu’étaient John et Paul, pour mener vers la séparation du plus grand groupe de l’histoire de la pop, les Beatles, en 1969. L’histoire de la carrière de Brian Epstein démontra l’importance pour un groupe musical de compter sur un imprésario, un gérant, un mentor, ou encore mieux, d’une équipe de gestionnaires qui peuvent s’occuper de la paperasse avec expertise, laissant les musiciens faire ce qu’ils font de mieux : de la musique! L’avenir démontrera à plusieurs reprises qu’un grand nombre d’artistes se firent flouer par leurs gérants ou compagnies de disques, démontrant l’importance de s’associer à des gens de confiance, et de ne jamais leur abandonner complètement le contrôle de leur carrière. La une du Daily Mirror, le 10 avril 1970 Réagissez à cet article / Comment this article commentaires / comments