Charles Richard-Hamelin fait paraître demain le premier album de sa jeune carrière. Le pianiste de 26 ans s’est fait offrir carte blanche par la réputée maison de disques Analekta. Son choix s’est arrêté sur des œuvres du célèbre compositeur polonais Frédéric Chopin, qui l’accompagne depuis plusieurs années. « J’ai toujours joué du Chopin depuis l’âge de 13 ans, il est un compositeur central dans ma vie », raconte Charles Richard-Hamelin en entrevue téléphonique. Comme première carte de visite, l’album est très réussi, et on sent que le pianiste connaît effectivement très bien ces œuvres, et les rend d’ailleurs de manière sublime.

Révélation Radio-Canada 2015-2016 en musique classique, Charles Richard-Hamelin a choisi quatre compositions de Chopin sur ce disque : la Sonate no. 3, la Polonaise-Fantaisie et les deux Nocturnes de l’opus 62. Il s’agit toutes d’œuvres tardives, écrites dans les dernières années de la vie du compositeur, au moment de sa rupture avec Georges Sand et de la résurgence de la maladie qui l’emportera à l’âge de 39 ans. Charles Richard-Hamelin adore ces pièces et tenait à les inclure sur son premier opus : « C’est Chopin au sommet de son art, ce sont mes pièces préférées. Les œuvres sont plus sophistiquées, il y a moins la fougue de sa jeunesse. On sent l’appréhension de sa mort et l’influence de Bach, dans le contrepoint notamment. »
Le voici d’ailleurs en audition à Varsovie, interprétant quelques-unes  des pièces qu’on retrouve sur l’album. Ce dernier peut d’ailleurs être écouté et acheté sur le site d’Analekta.

Même si Chopin est sûrement l’un des compositeurs les plus enregistrés, les œuvres qu’on retrouve sur l’album sont plus rarement endisquées. Ce sont des morceaux plus profonds, que des pianistes n’osent souvent pas attaquer à un jeune âge. Les premiers Nocturnes, les Ballades, les Études ou les Préludes sont plus souvent dans la mire des pianistes du monde entier. Richard-Hamelin n’a pas hésité à se frotter à ces pièces peut-être plus complexes, mais qui sont tout de même d’une ravissante mélancolie. Il s’est très bien approprié ces œuvres, qui ont un superbe contrepoint et une polyphonie claire et balancée. Son pari a donc été gagné : « Le plus gros défi, c’est de trouver la balance entre le discours et la ligne, les détails et la voix principale. Je devais aussi trouver la balance entre le texte et ma personnalité. »

Charles Richard-Hamelin se fait aussi très réaliste. Il ne pense pas réinventer Chopin, mais croit s’être suffisamment approprié ces pièces pour avoir apporté quelque chose. Et même si le marché du disque est en constante baisse, l’affirmation des talents et des individualités passe toujours par ce médium. « Ma contribution, ce n’est pas de dire que les autres avant moi n’ont rien compris, c’est plus d’avoir une carte de visite, d’être présent sur la marché du disque et d’avoir une crédibilité auprès du public et des promoteurs. » Pour être présent, il l’est. La liste de ses concerts de la saison 2015-2016 donne presque le vertige!

Le pianiste est en effet très actif, avec des concerts aux quatre coins du Québec, et même ailleurs. Demain soir, il se produira avec le Trio Hochelaga, ensemble de haut niveau dont il fait partie depuis plus d’un an. Le Trio lancera également un album, avec des oeuvres de Brahms, Beach et Catoire. Il se produira ensuite samedi et dimanche dans le cadre d’un « Marathon Chopin » au Conservatoire de musique de Montréal. Ces deux concerts auront pour objectif principal de préparer Richard-Hamelin en vue de sa participation au célèbre Concours international de piano Frédéric-Chopin de Varsovie.

Charles Richard-Hamelin s’envolera donc pour la Pologne lundi, lui qui a été sélectionné pour cette compétition, l’une des plus prestigieuses au monde. « C’est le plus gros concours au monde, en mon sens. Juste d’y participer c’est un honneur », s’enthousiasme-t-il. Et il a raison d’être fier : 450 participants ont envoyé une vidéo en décembre, puis 160 ont été retenus pour une audition en personne à Varsovie. En avril, 84 candidats ont finalement été sélectionnées. Ayant lieu tous les cinq ans, cet événement peut servir de tremplin pour une carrière internationale, les gagnants incluant Maurizio Pollini, Martha Argerich, Krystian Zimerman et Rafał Blechacz.
Charles Richard-Hamelin interprète une pièce d’Arvo Pärt avec le violoncelliste Stéphane Tétreault.

Il faut dire que Charles Richard-Hamelin est un habitué des concours, lui qui a déjà été lauréat du Prix d’Europe et du Concours national de piano de l’Orchestre symphonique de Toronto, en 2011. Deux ans plus tard, il récolte le troisième prix ainsi que le prix spécial pour la meilleure interprétation d’une sonate de Beethoven à l’International Music Competition de Séoul, en Corée du Sud. En 2014, il s’est mérité le deuxième prix au Concours musical international de Montréal. On peut donc dire que le pianiste de 26 ans est un habitué des grands rendez-vous, et de la pression qui vient avec. Mais il est en est à ses dernières années de concours, puisque la plupart des compétitions fixent l’âge limite à 30 ans.

Qu’il gagne ou non le Concours international de piano Frédéric-Chopin, Richard-Hamelin voit cette compétition comme une immense opportunité : « Les salles sont toujours pleines, si on joue bien on peut se faire remarquer. Justement, je n’ai pas beaucoup de contacts en Europe. […] C’est une vitrine pour les jeunes pianistes, et en plus on joue sur les meilleurs pianos au monde. » Sur le plan musical, la préparation pour ce concours lui a été d’une grande utilité et l’a poussé à devenir un meilleur pianiste. Nul doute que c’est le cas : à écouter ce superbe disque, on entend qu’il est un grand interprète de Chopin.

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Curieux de nature, Benoit est un boulimique musical qui consomme de presque tous les genres. Du punk au classique, en passant par le folk, le psychédélique et le rockabilly, il sait apprécier les subtilités propres à chacun de ces courants musicaux. À travers des centaines d'heures d'écoute et de lecture de biographies, il tente de découvrir les motivations et les secrets derrière les plus grands albums et les œuvres grandioses des derniers siècles. Il parcourt aussi les salles de spectacle de Montréal, à la recherche de vibrations directes.