Le « supergroup » ultime des années soixante, Cream, sort sur « Disraeli Gears » ses meilleures chansons. De l’illustre Sunshine of Your Love (qui sera repris par tout le monde, de Hendrix à Ella Fitzgerald) à l’original Tales of Brave Ulysses, tout y passe. Généralement d’un blues psychédélique très serré et parfaitement maîtrisé (Swlabr, Strange Brew ou Outside Woman Blues), Cream montre que le résultat est à la hauteur de la réputation de ses trois membres. Tous les titres sont intéressants (dont We’re Going Wrong) exploitant aussi l’original timbre de voix de Bruce, sans non plus toujours se prendre au sérieux (Mother’s Lament). Les gars aiment surprendre et choquer les auditeurs, aller là où on les attend pas.

Le documentaire ci-dessous, de l’excellente série « Classic Albums », parle de la création de Cream, avant de plonger dans l’écriture et la création de cet album, important dans l’histoire du rock. Cream était formé de trois superstars : Eric Clapton était déjà considéré comme un dieu de la guitare, après ses passages chez les Yardbirds et dans le groupe de John Mayall, les Bluesbreakers. Jack Bruce – décédé l’an dernier –  et Ginger Baker étaient déjà connus dans les milieux jazz et rock et avaient joué partout. Après un premier album, « Fresh Cream » qui n’obtient pas le succès espéré, le trio part en Amérique enregistrer ce qui deviendra « Disraeli Gears »…

Les trois musiciens livrent enfin l’album qui a la hauteur de leur grand potentiel.

Réalisé par Felix Pappalardi et impliquant un autre génie de la musique rock, Tom Dowd, l’album est un excellent point de rencontre entre la pop psychédélique et le blues, si important à Clapton. Jack Bruce sera un peu froissé que ses idées de chansons (co-écrites avec Pete Brown) ne trouvent pas leur chemin sur l’album, et que le label et le management du groupe veuillent mettre Clapton de l’avant, au détriment du bassiste et batteur Ginger Baker. Mais l’avenir nous montra que le musicien au plus grand potentiel était effectivement le guitariste, pas encore convaincu d’être un grand chanteur à cette époque.

Fait cocasse, le titre « Discraeli Gears » proviendrait d’un jeu de mot plus ou moins maladroit. En voulant parler des « derailleurs gears » d’un vélo, le roadie du groupe Mick Turner y inclut le nom d’un ancien premier ministre britannique, Benjamin Disraeli. Les trois larrons, fans de dadaïsme et de créativité absolue (on est en 1967, rappelons-nous) adorent l’idée.

La pochette est signée par Martin Sharp, un artiste autrsalien qui vivait à l’époque dans le même édifice que Clapton, à Chelsea qui réalisa des affiches de concerts de Bob Dylan et Donovan à la même époque. Il dessinera la pochette de l’album suivant de Cream, « Wheels of Fire ».

Un classique était né, en ce 10 novembre 1967.

CREAM
Disraeli Gears
(Polydor, 1967)

-Genre : rock blues psychédélique
-Dans le même genre que Jimi Hendrix Experience, The Doors

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Mélomane invétéré plongeant dans tous les genres et époques, Nicolas Pelletier a publié 6 000 critiques de disques et concerts depuis 1991, dont 1100 chez emoragei magazine et 600 sur enMusique.ca, dont il a également été le rédacteur en chef de 2009 à 2014. Il publie "Les perles rares et grands crus de la musique" en 2013, lance le site RREVERB en 2014, et devient stratège numérique des radios de Bell Média en 2015, participant au lancement de la marque iHeartRadio au Canada en 2016. Il dirige maintenant la stratégie numérique d'ICI Musique, la radio musicale de Radio-Canada.