C’est hier soir que le pianiste québécois Jean-Philippe Sylvestre lançait officiellement son premier album en carrière, intitulé  « Virtuosités ». Comme son titre l’indique, ce disque regroupe certaines des pièces les plus complexes du répertoire pour piano. Élève entre autres de Louis Lortie, le « poète du piano » (ainsi que l’a surnommé Yannick Nézet-Séguin dans une vidéo d’introduction qu’il a fait parvenir pour le lancement d’hier) n’a pas froid aux yeux et nous offre une première carte de visite plus que convaincante.

Sylvestre a choisi ses pièces dans presque toutes les époques. De la période baroque, il interprète l’une des 555 sonates pour piano du compositeur italien Domenico Scarlatti. Joyeuse et pleine de vivacité, la Sonate K. 29 est interprétée avec brio (l’album peut être écouté en entier en cliquant sur le casque d’écoute dans l’image qui apparaît plus haut, ou en suivant ce lien). En contrepartie, le pianiste natif de Sainte-Julie puise aussi dans le 20e siècle pour nous proposer des œuvres plus sombres. Il rend de belle manière le redoutable Scarbo, de Gaspard de la nuit, du Français Maurice Ravel. Il fait bien ressortir les différentes nuances, passant de fortissimo à pianissimo en peu de temps. Du compositeur russe Sergueï Prokofiev, Sylvestre joue le troisième mouvement de la Sonate no. 7. Noté Precipitato, avec un rythme à 7/8, ce morceau est également frénétique, et l’interprétation est géniale.

Le cœur de l’album – 7 des 13 pièces – est constitué d’interprétations du compositeur polonais Frédéric Chopin. Sylvestre joue magistralement la Grande polonaise brillante, tout en lyrisme romantique et en virtuosité. Les six autres morceaux choisis font partie des Études de Chopin. Chacune d’entre elles abordent un problème technique particulier, et sont en cela intéressantes pour un pianiste qui veut tester ses limites. Le moins que l’on puisse dire, c’est que Sylvestre relève ces défis haut la main! L’Étude no. 11 de l’opus 25, appelée  « Vent d’hiver », est étincelante et tourbillonnante : on peut presque visualiser les doigts danser sur les touches du piano (une caméra située juste à la gauche du piano nous permettait véritablement de voir ses doigts danser lors du lancement d’hier!). La célèbre Étude no. 12 de l’opus 10, surnommée  « La révolutionnaire », est jouée avec panache et conviction : on ressent bien l’intensité de la partition.

Jean-Philippe Sylvestre1Le pianiste de 32 ans joue une composition du Russe Mili Balakirev, Islamey, fantaisie orientale, considérée comme LA pièce la plus complexe de tout le répertoire pianistique (Ravel avait d’ailleurs composé son Scarbo pour tenter de rivaliser avec Islamey). Sylvestre expose superbement le premier thème, très dansant, et enchaîne avec un autre motif plus lyrique, avant de poursuivre avec un déploiement de virtuosité à la limite des possibilités physiques d’un être humain normalement constitué. Le livre 1 des Variations sur un thème de Paganini de Johannes Brahms est joué de sublime manière. Cette œuvre, que la célèbre pianiste et amie de Brahms Clara Schumann a qualifiée de « variations de sorcier », est également très ardue, remplie de difficultés techniques monstrueuses et d’une profondeur émotionnelle que Sylvestre rend admirablement bien. Le disque se conclue avec une pièce non moins exigeante : la Rhapsodie hongroise no. 6, du Hongrois Franz Liszt. Le premier thème est élégamment exposé, pour mener plus tard vers une éclatante et envoûtante finale. En terminant, nous nous devons de souligner la qualité de la réalisation (Martha de Francisco) et de la prise de son (Anne-Marie Sylvestre).

Ce disque est éblouissant, et Jean-Philippe Sylvestre nous a confirmés hier, dans le spectacle qui accompagnait le lancement, qu’il est autant capable de lyrisme et de précision que de virtuosité (il a aussi montré une facette moins connue de son talent, soit celui d’improvisateur de jazz!). Son but n’est donc pas seulement d’en mettre plein la vue aux auditeurs, mais de toucher l’âme avec une sensibilité et une beauté accessibles au bout de ses doigts. Il sera intéressant de suivre le parcours de ce brillant artiste dans les années à venir!

Jean-Philippe Sylvestre - virtuosités
JEAN-PHILIPPE SYLVESTRE
Virtuosités
(Indépendant, 2014)

-Genre : classique, musique pour piano

Lien vers l’achat en ligne (sur Big Cartel)
Lien vers la page Facebook de l’artiste

JEAN-PHILIPPE SYLVESTRE : Variations sur le thème de la virtuosité
Originalité80%
Authenticité90%
Accessibilité80%
Direction artistique90%
Qualité musicale95%
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Curieux de nature, Benoit est un boulimique musical qui consomme de presque tous les genres. Du punk au classique, en passant par le folk, le psychédélique et le rockabilly, il sait apprécier les subtilités propres à chacun de ces courants musicaux. À travers des centaines d'heures d'écoute et de lecture de biographies, il tente de découvrir les motivations et les secrets derrière les plus grands albums et les œuvres grandioses des derniers siècles. Il parcourt aussi les salles de spectacle de Montréal, à la recherche de vibrations directes.