La kora, instrument ouest-africain par excellence, était en vedette ce vendredi soir au Festival Nuits d’Afrique. Les koristes Djeli Moussa Diawara et Djeli Mori Tounkara se sont succédés sur la scène du Gésù pour nous montrer toute la richesse et l’expressivité de cet instrument qui daterait du 13e siècle. Venu en grand nombre, le public s’est fait carrément envoûter par le jeu hors-pair des deux Djeli, tous deux descendants d’une longue lignée de griots, cette caste de musiciens de l’empire mandingue.

Faisant partie du collectif montréalais Kabakuwo, le Malien Djeli Mori Tounkara ouvrait le spectacle. Tounkara est un très bon musicien, lui qui interprète autant des chansons traditionnelles que des compositions de son cru, dont une qu’il a écrite pour sa mère. Il chante seulement sur les deux dernières pièces de sa prestation qui aura duré une quarantaine de minutes. Il s’est fait plaisir et nous a fait plaisir en y allant d’envolées irrésistibles à la kora, tantôt captivantes et entraînantes, tantôt plus méditatives et rêveuses. On sent le musicien plus ou moins à l’aise sur scène, sans doute par manque d’expérience, mais il est tout de même très sympathique et drôle, tout en ne manquant pas d’assurance dans son jeu. Il est très reconnaissant d’avoir la chance de jouer pour nous et d’ouvrir le spectacle pour Diawara, virtuose réputé.

Djeli Moussa Diawara a en effet une très longue carrière : son premier album est paru il y a 33 ans. Son demi-frère maternel est le très populaire Mory Kanté, et il a collaboré avec plusieurs légendes de la musique africaine, dont Ali Farka Touré et Manu Dibango. Il a aussi été l’un des fondateurs du Kora Jazz Trio, groupe qui mélangeait la musique africaine avec le jazz. Ce métissage musical a été très en évidence lors de sa prestation d’hier. Également seul sur scène, le Guinéen de 53 ans nous a amenés dans un univers très éclaté, teinté surtout de musique africaine traditionnelle, mais également de blues et de jazz.

La particularité de la prestation de Diawara tient par ailleurs à deux éléments. Tout d’abord, il joue avec une kora unique, qui compte 32 cordes, au lieu des 21 que l’on retrouve habituellement. Ces 11 cordes additionnelles permettent d’élargir de manière substantielle le registre déjà très large de la kora. Le physique de l’instrument est également différent : la caisse de résonance n’est pas une calebasse, mais plutôt une sorte de tambourine (la kora doit donc être amplifiée). Diawara jouait de son instrument déposé sur un support, alors que Tounkara en jouait en l’appuyant sur le haut de ses genoux.

Deuxièmement, Diawara utilisait des séquenceurs. Il enregistrait un extrait, qu’il partait ensuite en boucle. Trois ou quatre motifs rythmiques et harmoniques jouaient donc en continu, alors que Diawara interprétait différents motifs mélodiques, en plus de chanter. Diawara a une impressionnante technique à la kora : il joue le plus souvent avec ses pouces et ses index, mais peut aussi gratter les cordes comme on gratterait celles d’une guitare. Son jeu est donc dynamique et rythmé. Sa prestation est énergique, et son chant est passionné et très senti. Cette soirée, qui a été un beau moment de partage, se conclue avec un très bon duo des deux Djeli. On pensait bien qu’ils allaient revenir sur scène après avoir quittés de manière un peu abrupte, mais ce ne fut pas le cas. Peu importe, ce spectacle a été magnifique, et les bons souvenirs resteront.

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Curieux de nature, Benoit est un boulimique musical qui consomme de presque tous les genres. Du punk au classique, en passant par le folk, le psychédélique et le rockabilly, il sait apprécier les subtilités propres à chacun de ces courants musicaux. À travers des centaines d'heures d'écoute et de lecture de biographies, il tente de découvrir les motivations et les secrets derrière les plus grands albums et les œuvres grandioses des derniers siècles. Il parcourt aussi les salles de spectacle de Montréal, à la recherche de vibrations directes.