En remplacement du violoniste et chef d’orchestre Maxim Vengerov (qui a mystérieusement annulé sa présence en octobre dernier, citant un « conflit d’horaire imprévu»), le violoniste russe Andrey Baranov était soliste ce jeudi dans le Concerto pour violon de Piotr Ilitch Tchaïkovski. Le programme a été également légèrement modifié, devenant ainsi un « hommage à Tchaïkovski ». Le chef Nathan Brock (chef assistant et chef en résidence de 2009 à 2014) dirigeait l’Orchestre symphonique de Montréal (OSM) dans ce concert qui, finalement, ne nous a pas trop fait regretter l’absence de la vedette internationale qu’est Vengerov.

La pièce de résistance de ce concert était donc le très populaire Concerto pour violon de Tchaïkovski, composé en 1878. Considérée injouable par son premier dédicataire, le violoniste Leopold Auer, l’œuvre a finalement été jouée par Adolf Brodsky, mais seulement près de quatre ans plus tard. La critique a été dévastatrice lors des premières écoutes, mais le Concerto s’est lentement mais sûrement imposé comme l’un des joyaux du répertoire, et est l’un des plus techniquement difficiles. C’était donc au jeune Andrey Baranov, âgé de 28 ans, que revenait la tâche d’exécuter cette œuvre périlleuse.

On peut dire que Baranov a offert une solide prestation, pas parfaite, mais techniquement impeccable. Son jeu était fluide et souple et avait beaucoup de mordant. Malgré quelques imprécisions, il jouait généralement juste, surtout dans les aiguës, qui sont souvent sollicitées dans la pièce. Son jeu était également très expressif, avec un vibrato ample. Il a superbement exécuté les thèmes romantiques et lyriques à souhait du premier mouvement. Fort bien rendue, la monstrueuse cadence lui a valu des applaudissements nourris dès la fin du premier mouvement (qui est d’ailleurs la partie la plus intéressante du Concerto). Le deuxième mouvement est très expressif et mélancolique, et le soliste le livre bien, engageant un magnifique dialogue avec la flûte. Le finale alterne entre des moments dansants et des passages plus en douceur. La virtuosité est requise du soliste comme de l’orchestre, qui soutient d’ailleurs très bien Baranov. Le chef est également très actif et dirige adéquatement l’ensemble jusqu’à un éclatant crescendo.

En ouverture de concert, l’OSM interprétait les Variations sur un thème de Tchaïkovski, du Russe Anton Arenski. Ce dernier a été un émule de Tchaïkovski, qui était de 18 ans son aîné et dont le style mélodique lui plaisait fortement. Pour cordes seulement, cet hommage à Tchaïkovski a été composé peu après la mort du maître, en 1893. Il est basé sur le thème d’une mélodie de Tchaïkovski, suivi de sept variations à l’ambiance plutôt grave. Nathan Brock a tiré une belle expressivité des cordes. Sa direction précise et efficace a permis de bien effectuer les variations d’intensité. On retiendra ce passage où les violoncelles exposaient un thème mélancolique, alors que les violons brodaient alentour.

Finalement, l’OSM complétait cet hommage à Tchaïkovski avec deux œuvres du compositeur russe. Tout d’abord, on a entendu l’Ouverture fantaisie Hamlet, complétée en 1888. À une introduction lente succèdent de vigoureux soubresauts, joués de manière énergique et dynamique par l’Orchestre; la direction du chef est alerte. Le thème exposé plus loin par le hautbois est de toute beauté, puis est repris par les vents. La section démontre une excellente coordination.

Pour conclure le spectacle, on avait droit au Capriccio italien de Tchaïkovski. Cette pièce a été composée en 1880, alors que le Russe, en séjour en Italie, s’imprègne des mélodies populaires entendues ici et là. L’interprétation de l’OSM a été superbe, avec une contribution de tous, de la harpe aux cordes, en passant par les vents et les percussions. On peut d’ailleurs en profiter pour souligner la contribution du joueur de triangle! L’instrumentation est très colorée et riche, pleine de sublimes mélodies . L’interprétation de cette musique joyeuse est pleine de vie.

Un programme tout Tchaïkovski – ou presque – est gagnant à coup sûr, et le spectacle d’hier (qui sera repris ce samedi) n’a pas déçu la foule nombreuse qui était présente à la Maison symphonique. Les envoûtantes et irrésistibles mélodies du compositeur russe ont tout pour plaire, et l’interprétation n’a pas fait défaut. La direction de l’OSM a ainsi sauvé une situation qui aurait pu être catastrophique, soit de devoir remplacer la tête d’affiche du concert. En la personne d’Andrey Baranov, elle a déniché plus qu’un simple remplaçant, mais un violoniste qui a offert une excellente prestation.

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Curieux de nature, Benoit est un boulimique musical qui consomme de presque tous les genres. Du punk au classique, en passant par le folk, le psychédélique et le rockabilly, il sait apprécier les subtilités propres à chacun de ces courants musicaux. À travers des centaines d'heures d'écoute et de lecture de biographies, il tente de découvrir les motivations et les secrets derrière les plus grands albums et les œuvres grandioses des derniers siècles. Il parcourt aussi les salles de spectacle de Montréal, à la recherche de vibrations directes.