Le joueur de oud Rabih Abou-Khalil se produisait ce vendredi soir à la salle Ludger-Duvernay du Monument-National, lors de la première journée du 36e Festival de Jazz. Le virtuose d’origine libanaise a ébloui le public – venu en très grand nombre – par son talent incontestable, mais aussi par son humour pince-sans-rire. On était sans contredit en la présence d’un artiste accompli. Les quelques 90 minutes de ce généreux concert ont été surtout occupées par les pièces de son plus récent album, le très bon « Hungry People ». D’allure sympathique, Abou-Khalil était accompagné de trois musiciens, avec qui il semblait avoir une grande complicité. Le percussionniste Jarrod Cagwin, fort habile, a su se faire parfois subtil, parfois très adéquat et parfois époustouflant, surtout de l’impressionnant solo lors de Banker’s Banquet, jouée en rappel. L’accordéoniste Luciano Biondini était aux côtés du Libanais de 57 ans, et lui aussi a offert une très belle performance. Le quartette était complété par Gavino Murgia, joueur de saxophone soprano. La grande surprise a été d’entendre ce saxophoniste émettre des sons gutturaux très graves et profonds, et même parfois proches du human beatbox! Cela apportait un élément d’originalité et d’inattendu. Très généreux et extrêmement bien entouré de musiciens à qui il laissait beaucoup de place, Rabih Abou-Khalil était toutefois sans aucun doute le centre d’attraction. Le maître du oud nous en a mis plein la vue. Sa virtuosité ne se déployait pas nécessairement dans de grandes courses contre la montre ou d’envolées de notes ultra-rapides. Il en est capable : il nous l’a montré à quelques occasions. Sa virtuosité s’exprimait par la finesse, la noblesse, la beauté et le raffinement de son jeu. Le meilleur moment de la soirée a sûrement été la magnifique Dreams Of A Dying City, superbe hommage que le Libanais a rendu à sa ville natale, Beirut (le groupe du même nom se produisait d’ailleurs sur la Place des Festivals devant une marée humaine!). Abou-Khalil employait toutes sortes de techniques de jeu aussi particulières les unes que les autres. Il pouvait produire des sons seulement avec le frottement de sa main gauche sur les frettes. Il déplaçait parfois sa main gauche jusqu’à la caisse de résonance, produisant des sons aigus, et ramenait sa main à l’autre extrémité du manche : l’effet était sensationnel. Il pouvait jouer tout en douceur, tout comme il n’hésitait pas à marteler sans relâche son instrument. C’est cependant peut-être à cause de cela que son instrument se désaccordait très souvent (ou peut-être aussi que les accordages changent souvent). Il passait au moins une minute ou deux après chaque chanson pour accorder son instrument, et parfois pendant la chanson. Cela brisait quelque peu le rythme du spectacle, mais dès que la musique reprenait, on oubliait tout! Le mariage des sonorités arabes, du oud, et jazz, du saxophone, de l’accordéon et de la batterie, résulte en ce qui est appelé « world jazz ». Le quartette passait aisément d’un à l’autre, et, plus souvent qu’autrement, ces deux composantes fusionnaient dans un tout homogène et cohérent. La musique du quartette était très envoûtante, avec le oud de Rabih Abou-Khalil au centre de ce savoureux mélange des genres. Bref, c’était une belle façon de débuter le Festival de Jazz! Réagissez à cet article / Comment this article commentaires / comments