Des musiciens de l’Orchestre symphonique de Montréal (OSM) étaient en prestation vendredi soir dans un concert de musique de chambre à la Salle Bourgie. En lien avec l’exposition en cours au Musée des Beaux-Arts de Montréal, ce spectacle mettait en opposition deux illustres représentants des principales écoles de Vienne : Anton Webern, élève de Schoenberg au sein de la Seconde École de Vienne, et Franz Schubert, dernier ambassadeur du Vienne de Beethoven et Mozart.

Les violonistes Alexander Read et Brigitte Rolland, l’altiste Natalie Racine et la violoncelliste Anna Burden interprétaient tout d’abord le Langsamer Satz, de Webern. Ce « Mouvement lent » a été composé en 1905, alors que Webern avait 22 ans. Il a cependant été joué en public pour la première fois en 1962, soit 17 ans après la mort du Viennois (il a été abattu par erreur par un soldat américain à la fin de la Guerre). Cette pièce est plutôt atypique de l’œuvre de Webern. De beaux thèmes romantiques s’y font entendre, dénotant une grande mélancolie. Le quatuor interprète cette œuvre de brillante manière, avec la ferveur nécessaire.

Composés quatre ans plus tard, les Cinq mouvements pour quatuors à cordes sont d’une toute autre nature, plus proches de l’atonalité. On peine à y trouver des mélodies, mais l’écoute est tout de même captivante. Ces courtes pièces sont très mystérieuses, souvent déroutantes et parfois minimalistes. Des indications sur la partition exigent des instrumentistes de jouer de manière  « à peine audible », « avec une extrême délicatesse » ou encore « en éteignant progressivement le son ». Les quatre musiciens en font une interprétation sans faille, rendant très bien les variations d’intensité, passant de très fort à presque inaudible. Le méditatif deuxième mouvement a été joué avec toute la retenue obligatoire, et le cinquième a été interprété avec justesse.

La dernière œuvre au programme de ce concert nous amenait dans un tout autre univers, tout en demeurant à Vienne. Composé en 1824 et sous-titré « La jeune fille et la mort » (en raison du thème du deuxième mouvement emprunté à un lied du même nom), le Quatuor à cordes no. 14 de Schubert a été joué avec brio par les quatre musiciens de l’OSM. L’énergique et mélodique premier mouvement a été rendu de manière passionnée. Le magnifique deuxième mouvement, qui est le centre émotionnel de l’œuvre, a été joué avec l’expressivité et la finesse requises. La dansant troisième mouvement a mené à un finale d’une densité presque orchestrale, plein d’urgence et d’une grande intensité. Ce chef-d’œuvre, dont on ne se lasse pas de réécouter, nous éblouit à chaque audition. Et la prestation d’hier n’y a pas fait exception.

Il était donc très intéressant de mettre en parallèle les deux écoles de Vienne dans le même concert. On a pu constater, avec le somptueux Langsamer Satz de Webern, qu’elles ont tout de même déjà été proches. Mais dès les premières notes des Cinq mouvements pour quatuors à cordes, toute ressemblance se dissipe. En terminant, soulignons l’engagement et la passion des musiciens de l’OSM. Au moins deux des quatre interprètes avaient été aperçus la veille à la Maison symphonique. Jouer quatre pièces avec un orchestre complet un soir, et interpréter trois œuvres pour quatuors à cordes le lendemain est un exploit remarquable!

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Curieux de nature, Benoit est un boulimique musical qui consomme de presque tous les genres. Du punk au classique, en passant par le folk, le psychédélique et le rockabilly, il sait apprécier les subtilités propres à chacun de ces courants musicaux. À travers des centaines d'heures d'écoute et de lecture de biographies, il tente de découvrir les motivations et les secrets derrière les plus grands albums et les œuvres grandioses des derniers siècles. Il parcourt aussi les salles de spectacle de Montréal, à la recherche de vibrations directes.