C’est ce dimanche après-midi, au Conservatoire de musique de Montréal, qu’était présenté un concert avec au programme trois trios pour piano et cordes de compositeurs français, soit Claude Debussy, Maurice Ravel et Ernest Chausson. Les interprètes en étaient la violoniste Julie Triquet (violon solo de I Musici de Montréal), la violoncelliste Julie Trudeau (membre notamment du Nouvel Ensemble Moderne) et le pianiste Olivier Godin (professeur au Conservatoire).

Le Trio pour piano et cordes de Debussy ouvrait le concert. Composée en 1880 mais seulement retrouvée il y a une trentaine d’années, cette œuvre de jeunesse (Debussy l’a composée à 18 ans) est loin de faire preuve de la singularité qui fera de Debussy l’un des pionniers de la modernité en musique. Avec des influences de César Franck et de Robert Schumann, cette pièce n’en est pas moins très belle. Le premier mouvement montre le talent mélodique du jeune Debussy. Avec un ingénieux pizzicato aux cordes et un magnifique thème au piano, le Scherzo est interprété de manière vivante. Un motif très expressif est joué successivement par le violoncelle et le violon lors du mouvement lent. Le finale, Appassionato, est très emporté et énergique. L’interprétation est toujours juste et précise dans ces moments intenses.

Nous avions ensuite droit à une superbe pièce d’Ernest Chausson, compositeur trop peu joué. Terminé en 1881 alors qu’il avait 26 ans, son Trio pour piano et cordes montre les influences de son maître Franck. Le début du premier mouvement est lent et méditatif, d’une beauté presque solennelle. Il y a ensuite une partie plus animée, et le jeu du pianiste est alors très fluide, malgré une partition exigeante. Noté Vite, un court mais entraînant et mélodieux scherzo suit. Le troisième mouvement débute avec une lente introduction du piano, et nous pouvons ensuite apprécier le jeu expressif de la violoncelliste, dont la sonorité est riche et précise. Le finale est très intense et l’interprétation des musiciens est très engagée.

Terminé en 1914, alors que Ravel avait 39 ans et que la Guerre débutait, son Trio est un chef-d’œuvre aux influences basques. Un superbe motif au piano ouvre la pièce, et il est ensuite repris par les cordes. Le piano jouera plus tard ce même thème, transformé et souvent accéléré, qui en deviendra presque obsédant. L’interprétation est passionnée et il y a une belle complicité entre les trois instrumentistes. Le scherzo, noté Pantoum (en référence à un type de poème oriental), est très énergique et interprété de manière héroïque. Le mouvement lent, Passacaille, débute avec une introduction du piano seul qui joue dans les graves. Le violoncelle et le violon enchaînent avec des motifs tout aussi émouvants et méditatifs, joués de manière très sentie. Le Finale est dansant et de caractère léger et joyeux. Les cordes scintillent, alors que le piano est lumineux et tout en virtuosité.

Ces trois musiciens de haut niveau nous ont donc offert un spectacle merveilleux. Signes de talent chez les compositeurs, ces œuvres ont chacune leurs spécificités et leur caractère propre. La programmation du Conservatoire de musique regorge d’ailleurs de ces concerts de qualité supérieure, et ce, à prix modique. L’intimité et l’acoustique exceptionnelle de la magnifique Salle de concert contribuent également à faire de ces événements des moments magiques.

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Curieux de nature, Benoit est un boulimique musical qui consomme de presque tous les genres. Du punk au classique, en passant par le folk, le psychédélique et le rockabilly, il sait apprécier les subtilités propres à chacun de ces courants musicaux. À travers des centaines d'heures d'écoute et de lecture de biographies, il tente de découvrir les motivations et les secrets derrière les plus grands albums et les œuvres grandioses des derniers siècles. Il parcourt aussi les salles de spectacle de Montréal, à la recherche de vibrations directes.