Né en 1906, le Soviétique Dimitri Chostakovitch compte parmi les plus importants compositeurs du 20e siècle. Jusqu’à sa mort, en 1975, il aura composé pas moins de 15 symphonies, et autant de quatuors à cordes. Il a également mis en musique des opéras, écrit pour le piano et fait des musiques de films. Pour célébrer les 40 ans de sa mort, le Quatuor Molinari amorçait hier soir, au Conservatoire de musique de Montréal, l’intégrale des quatuors à cordes de Chostakovitch. Les violonistes Olga Ranzenhofer et Frédéric Bednarz, l’altiste Frédéric Lambert et le violoncelliste Pierre-Alain Bouvrette s’attelaient à cette tâche titanesque, aux limites des capacités humaines. Dans ce premier de trois concerts-marathons, le Quatuor a livré une magistrale performance.

Dimitri Chostakovitch a composé sa Symphonie no. 1 à l’âge de seulement 18 ans, en 1924, mais son Quatuor no. 1 a dû attendre à 1938 avant de voir le jour. Entre la Cinquième et la Sixième Symphonie et entre d’innombrables musiques de films et musiques officielles pour l’État, il s’est donc frotté à ce genre particulièrement formel et ardu. Après avoir étudié les maîtres du quatuor à cordes que sont Haydn et Beethoven, Chostakovitch se sentait donc prêt. Il est pertinent de mentionner que son cycle de quatuors à cordes est particulier, dans le sens où Chostakovitch avait pour but d’écrire un quatuor dans chacune des 24 tonalités mineures et majeures. Malheureusement il n’a pu mener à terme ce projet audacieux.

Le Quatuor no. 1 est de facture plutôt classique, voire pré-classique. Écrits dans les dernières années de Guerre, les Quatuors no. 2 et 3, respectivement datés de 1944 et 1946, ont un ton beaucoup plus grave et austère. On peut dire d’eux qu’ils amorcent réellement le cycle, par la densité et l’intensité de l’écriture. Le plus joué des six premiers, le Quatuor no. 4, de 1949, est davantage lyrique. Composé en 1952, le Quatuor no. 5 a des sonorités quasi-symphoniques. On peut croire que Chostakovitch a allié le romantisme d’un Beethoven aux innovations de Debussy et de Bartók. Plus énigmatique, le Quatuor no. 6, terminé en 1956, est tout de même très intéressant.
On peut écouter les six œuvres dans cette liste de lecture.

Pour ce qui est de l’interprétation par le Quatuor Molinari, on en retiendra la qualité, la justesse et la richesse de son jeu. On sentait les quatre instrumentistes en mission. L’ampleur du projet ne semblait pas les dépasser, puisqu’ils ont été concentrés et allumés de la première à la dernière note, dans les moments fougueux comme dans les passages plus expressifs et méditatifs. La cohésion de l’ensemble est également remarquable, eux qui jouent ensemble depuis 2007 (le Quatuor Molinari a été fondé en 1997). On sentait par ailleurs que chaque musicien était au service de l’œuvre, et non le contraire. Ça fait d’ailleurs plusieurs années que le Molinari joue, par-ci par-là, les quatuors de Chostakovitch. La maîtrise de ce répertoire est donc à un très haut niveau, et le Quatuor respecte parfaitement les indications du compositeur.

L’intégrale se poursuivra samedi, avec deux concerts qui s’annoncent tout aussi intenses! Les Quatuors no. 7 à 11 seront joués à partir de 15h, et les quatre derniers seront interprétés dès 20h. Simon Morrison, spécialiste de la musique russe du 20e siècle affilié à l’Université Princeton, sera aussi sur place pour livrer une conférence jeudi. Des dialogues auront lieu jeudi et vendredi, en plus d’une table ronde avec certains compositeurs vendredi. L’entrée est libre pour les dialogues, la conférence et la table ronde. Vous pouvez obtenir plus de détails ici.

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Curieux de nature, Benoit est un boulimique musical qui consomme de presque tous les genres. Du punk au classique, en passant par le folk, le psychédélique et le rockabilly, il sait apprécier les subtilités propres à chacun de ces courants musicaux. À travers des centaines d'heures d'écoute et de lecture de biographies, il tente de découvrir les motivations et les secrets derrière les plus grands albums et les œuvres grandioses des derniers siècles. Il parcourt aussi les salles de spectacle de Montréal, à la recherche de vibrations directes.