Le Trio Hochelaga présentait, hier soir au Conservatoire de musique de Montréal, le deuxième spectacle de sa série 2014-2015, intitulée « Par Grands Vents ». Le spectacle de vendredi soir avait pour titre « Chinook », c’est-à-dire un vent chaud et sec des Rocheuses. Avec de la suite dans les idées, le Trio présentait des œuvres de compositeurs nord-américains, en interprétant les compositions d’Amy Beach, Auguste Descarries, Gilles Bellemare et Arthur Foote. C’était donc une soirée de découvertes!

Formé du pianiste Charles Richard-Hamelin, de la violoniste Anne Robert et de la violoncelliste Chloé Dominguez, le Trio Hochelaga ouvrait le concert avec le Trio d’Amy Beach. Née en 1867, cette dernière est l’une des plus importantes compositrices américaines de l’histoire. Pianiste de formation, elle a composé son Trio en 1938, six ans avant son décès. La pièce en général est partagée entre romantisme et impressionnisme. Les cordes sont très expressives dans le premier mouvement. Le piano est en outre fortement sollicité dans cette œuvre. Les difficultés sont surtout énormes au finale, mais le pianiste s’en acquitte très bien. Il y a aussi une belle cohésion entre les trois instrumentistes.

Le Trio Hochelaga interprétait ensuite deux courtes pièces du compositeur québécois Auguste Descarries. Ce pianiste québécois, élève entre autres d’Alfred Laliberté et de Rodolphe Mathieu (père d’André), a été professeur au Conservatoire de 1944 à sa mort en 1958. Il est injustement méconnu, et le Trio Hochelaga fait beaucoup pour faire entendre et reconnaître ses œuvres. Le Conte pour piano, violon et violoncelle « Il y avait une fois » a été joué de manière passionnée par le Trio. La musique, à mi-chemin entre romantisme et impressionnisme, est très évocatrice et sereine. L’œuvre Esquisse sur « Vive la Canadienne » a été ensuite rendue de brillante manière. Le premier thème, qui revient à la fin, est très entraînant. La section centrale est cependant très mélancolique, avec les cordes qui jouent une sublime mélodie romantique.

Le Trio nous présentait également une œuvre du compositeur québécois Gilles Bellemare. Directeur artistique de l’Orchestre symphonique de Trois-Rivières de sa fondation en 1978 jusqu’en 2006, Bellemare a aussi restauré et orchestré le Concerto pour piano no. 4 d’André Mathieu. Sa pièce De Wolfgang à Félix était jouée par le Trio, pour célébrer les 100 ans de la naissance du grand poète québécois. Cette œuvre en trois mouvements intègre deux chansons de Félix dans chacune des sections, dans une écriture à la Mozart. Le piano, gracieux, élégant et souvent magnifique, est très mozartien. Les mélodies sont facilement reconnaissables : Le p’tit bonheur, Atends-moé ti-gars, Moi, mes souliers, etc. L’idée de Bellemare est excellente et le Trio prend un réel plaisir à jouer cette œuvre. L’interprétation est intense et passionnée, pleine de ferveur.

La pièce la plus longue du concert était le Quatuor pour piano et cordes de Arthur Foote. Ce dernier est un contemporain de Beach, et est associé, comme elle, à l’École de Boston. Pour cette œuvre, l’altiste Victor Fournelle-Blain, membre de l’OSM depuis septembre, se joignait au Trio. Ce Quatuor a été une très belle découverte, œuvre romantique comparable au style des Mendelssohn et Schumann. Le troisième mouvement, Adagio, ma con moto, est le centre de gravité de l’œuvre. Sans être aussi somptueux que le mouvement lent du Quatuor de Schumann, il est tout de même très expressif et tourmenté. Le début se joue fortissimo, et le violon expose un thème très lyrique, voire langoureux. Par la suite, les instrumentistes diminuent l’intensité, mais cela augmente la charge émotionnelle de l’œuvre. Le jeu est senti et sublime. Sinon, les autres mouvements sont relativement joyeux : le finale en particulier est plein de vie et entraînant.
Le Quatuor de Foote étant plutôt rare, j’ai seulement trouvé le finale, de qualité moyenne.

Ces quatre compositeurs nord-américains n’ont pas la notoriété de certains de leurs illustres contemporains, mais ont pourtant écrit de brillantes pages de musique. Fidèle à sa mission de nous faire découvrir des œuvres et des compositeurs méconnus, le Trio Hochelaga nous a une fois de plus présenté des pièces injustement négligées. Et comme toujours, la qualité et la rigueur étaient au rendez-vous chez les interprètes!

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Curieux de nature, Benoit est un boulimique musical qui consomme de presque tous les genres. Du punk au classique, en passant par le folk, le psychédélique et le rockabilly, il sait apprécier les subtilités propres à chacun de ces courants musicaux. À travers des centaines d'heures d'écoute et de lecture de biographies, il tente de découvrir les motivations et les secrets derrière les plus grands albums et les œuvres grandioses des derniers siècles. Il parcourt aussi les salles de spectacle de Montréal, à la recherche de vibrations directes.