L’Orchestre Métropolitain (OM) présentait hier soir la première de cinq représentations d’un programme consacré aux deux grandes écoles de Vienne, intitulé justement « Vienne en deux temps ». L’OM se produisait dans un arrondissement de Montréal, à l’église Notre-Dame-des-Sept-Douleurs de Verdun. Parrainée par le Conseil des arts de Montréal en tournée, cette série de concerts permet de voir et entendre un orchestre professionnel de haut niveau à prix modique. Les nombreux spectateurs présents ont ainsi eu droit à un spectacle de qualité, avec un programme intéressant qui comprenait des œuvres de Ludwig van Beethoven, d’Alban Berg et de Franz Schubert.

Dirigé par le chef Julian Kuerti (fils du pianiste Anton et chef invité principal du Métropolitain), l’OM jouait la Symphonie no. 9 de Schubert, chef-d’œuvre de la musique symphonique. Terminée en 1826 et surnommée « La Grande » (pour la distinguer de sa Symphonie no. 6, aussi dans la tonalité de Do majeur), cette composition n’a été présentée au public qu’en 1839, soit près de 11 ans après la mort de Schubert – il n’était âgé que de 31 ans. Robert Schumann avait réussi à récupérer le manuscrit et Felix Mendelssohn avait dirigé la première à Leipzig. D’une ampleur monumentale peu commune pour l’époque et d’une variété mélodique infinie, l’œuvre avait été mal comprise au 19e siècle, avant que son génie ne soit reconnu par la suite.

Un majestueux thème est énoncé dès le début par les cors, puis repris par tous les vents et l’Orchestre. Un second motif plus animé est joué par les cordes, et la tension s’accroît peu à peu au cours de ce premier mouvement. L’interprétation de l’Orchestre est pleine de vitalité et de passion, et la direction du chef fait ressortir toutes les nuances d’intensité. Le deuxième mouvement est un sublime Andante con moto plein de noblesse et de nostalgie, notamment avec le premier thème développé par le hautbois, puis repris par les cordes. Le Scherzo est très énergique et dansant, mais aussi hautement mélodique. Le finale, Allegro vivace, compte 1154 mesures d’une ardeur, d’une vivacité et d’une beauté qui ont peu d’égal dans le répertoire symphonique. Après un début vigoureux, les bois jouent un thème ensorcelant qui mène à un tutti orchestral d’une ampleur titanesque. De nombreuses variations d’intensité culminent en un dénouement dynamique. L’interprétation de l’OM est passionnée et Kuerti va chercher une grande sonorité.

Une œuvre rarement jouée était aussi présentée, soit le Concerto pour violon d’Alban Berg. Cette pièce a été sous-titrée «À la mémoire d’un ange» à la suite du décès de Manon Gropius, fille d’Alma Mahler (veuve de Gustav Mahler) et Walter Gropius qui était âgée de 18 ans. Ce requiem pour Manon est finalement devenu celui d’Alban Berg, puisque ce dernier est décédé en décembre 1935, à l’âge de 50 ans, quatre mois après avoir terminé le Concerto. Inspiré autant par le romantisme mahlérien que par le dodécaphonisme de son professeur Arnold Schoenberg, le Concerto était interprété par Yukari Cousineau, violon-solo de l’OM. C’est d’ailleurs une nouveauté cette saison : l’OM confie le rôle de soliste à ses propres musiciens, espérant par là montrer le talent qui l’anime.

Quelque peu aride et exigeante pour l’auditeur, l’œuvre est construite en deux mouvements, divisés eux-mêmes en deux sections. L’Andante initial est tout en douceur et se veut très mélancolique, avec les vents qui jouent en sourdine alors que la soliste expose magnifiquement la principale mélodie. Il y a ensuite une brève transition vers l’Allegretto, au tempo plus animé. Beaucoup plus dramatique, voire violent, le début du deuxième mouvement est marqué par la cadence de la soliste, qui a une sonorité claire et juste. Une section très animée mène à l’Adagio final, qui se terminera avec une série de variations inspirées d’une cantate de Bach. La fin est très solennelle et l’atmosphère est au recueillement. Le jeu de l’Orchestre est très pondéré, et le chef extrait toute la substance de la musique.

Créée dans sa version finale en 1814, l’Ouverture Fidelio, de Beethoven, était offerte en début de concert. Prélude orchestral au seul opéra du maître viennois, l’Ouverture débute avec une méditation aux vents, suivie par une somptueuse mélodie aux cordes. Le dialogue entre ces deux sections est un élément central de cette courte pièce. Le chef dirige très bien les échanges entre les sections de l’Orchestre, dont l’interprétation est éloquente.

Fidèles à la mission d’accessibilité et de qualité de l’Orchestre Métropolitain, les musiciens ont offert une admirable prestation. Malgré une acoustique inférieure à celle de la Maison symphonique, on a pu constater tout l’engagement de l’Orchestre Métropolitain et de son chef. La sueur qui perlait sur le front de ce dernier en témoignait justement!

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Curieux de nature, Benoit est un boulimique musical qui consomme de presque tous les genres. Du punk au classique, en passant par le folk, le psychédélique et le rockabilly, il sait apprécier les subtilités propres à chacun de ces courants musicaux. À travers des centaines d'heures d'écoute et de lecture de biographies, il tente de découvrir les motivations et les secrets derrière les plus grands albums et les œuvres grandioses des derniers siècles. Il parcourt aussi les salles de spectacle de Montréal, à la recherche de vibrations directes.