Le Nouveau Quatuor à cordes Orford (NQCO) était en prestation à la Salle Bourgie ce mercredi soir. Il se produisait dans le cadre de la série « Plein feux sur Beethoven », où il interprétait ainsi trois quatuors à cordes de Ludwig van Beethoven. Ce Quatuor de prodiges a épaté par la finesse de son jeu et la richesse de son interprétation.

Fondé en 2009 et nommé en hommage au Quatuor à cordes Orford, mythique groupe actif de 1965 à 1991, le NQCO est composé de quatre musiciens qui occupent des positions de choix dans deux des plus grands orchestres du pays. En effet, le violoniste Andrew Wan et le violoncelliste Brian Manker sont les solistes de l’Orchestre symphonique de Montréal, alors que le violoniste Jonathan Crow et l’altiste Eric Nowlin ont les mêmes fonctions avec l’Orchestre symphonique de Toronto. Entre deux concerts de leur orchestre respectif, ces quatre musiciens trouvent donc du temps pour présenter des spectacles et enregistrer un nouveau disque!

La première œuvre jouée hier était le Quatuor à cordes no. 4 de Beethoven, un des six de l’Opus 18, composé vers la fin du 18e siècle. Le NQCO nous a rapidement fait entendre sa très grande sonorité, riche et juste. Il a aussi démontré une grande cohésion, essentielle dans ce genre musical. Le premier mouvement a été joué avec grâce et élégance, alors que le finale, très énergique, a été interprété avec passion et intensité. Cette œuvre de jeunesse n’était toutefois qu’un avant-goût du meilleur à venir.

Le NQCO enchaînait ensuite avec le Quatuor à cordes no. 11 (surnommé « Quartetto serioso » par Beethoven lui-même). L’œuvre a été terminée en 1811, alors que Beethoven s’enfonçait irréversiblement dans la surdité. Cette œuvre tourmentée, qui anticipe les somptueux derniers quatuors du maître, a été interprété de brillante manière. Les quatre instrumentistes ont apporté de belles nuances de volume et d’expressivité, faisant grandir la tension dramatique tout au long. Le finale a été le point culminant du Quatuor, avec un entraînant thème joué par le premier violon. Les derniers instants ont été endiablés, et joués avec fougue.

La pièce maîtresse du concert était certainement le monumental Quatuor à cordes no. 15, terminé en août 1825 alors que Beethoven était complètement sourd. Ce Quatuor est un des cinq composés dans les dernières années de sa vie – il allait mourir en mars 1827. Retranché dans son monde intérieur, Beethoven s’est ainsi tourné vers les quatuors à cordes. Ces dernières œuvres sont bouleversantes pour la plupart. Le Quatuor no. 15 est une œuvre profonde, expressive, voire spirituelle et, surtout, très exigeante pour les instrumentistes. Le Nouveau Quatuor à cordes Orford en a fait une interprétation grandiose, allant chercher toute l’expressivité de l’œuvre, particulièrement dans le transcendent mouvement lent. Ce dernier est noté Molto adagio et est coiffé de cette épigraphe : « Chant de reconnaissance offert à la divinité par un convalescent, dans le mode lydien ».

Il est à noter que Beethoven a été très malade au milieu de la composition de ce Quatuor, et qu’il s’est remis sur pied pour terminer l’œuvre. D’une durée d’environ 20 minutes et très méditatif, ce mouvement a été joué de manière sentie et retenue par le NQCO. La série d’accords murmurés par les instrumentistes au début de l’œuvre a été jouée dans un silence presque total (excepté les bruits d’automobiles de la rue Sherbrooke…). Le regain de vie est ensuite noté par Beethoven : « sentant une force nouvelle ». Et la fin est inscrite : « dans le sentiment le plus intime ». Ces indications ont été respectées avec brio par les musiciens, qui ont fait preuve d’une incroyable concentration pendant toute l’interprétation, qui a duré près de 50 minutes.

Quatre grands instrumentistes ne font pas forcément un grand quatuor à cordes. Il doit y avoir une chimie et une cohésion. Et c’est exactement ce dont ont fait preuve Andrew Wan, Jonathan Crow, Eric Nowlin et Brian Manker. Ce sont quatre musiciens de grand talent, et également polyvalents : Wan a été premier violon pour les deux premiers quatuors, alors que Crow a eu ce rôle dans le dernier. Leur passion et leur engagement dans l’interprétation de ces œuvres a été total du début à la fin. Leur prestation portait vraiment la marque de grands musiciens.

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Curieux de nature, Benoit est un boulimique musical qui consomme de presque tous les genres. Du punk au classique, en passant par le folk, le psychédélique et le rockabilly, il sait apprécier les subtilités propres à chacun de ces courants musicaux. À travers des centaines d'heures d'écoute et de lecture de biographies, il tente de découvrir les motivations et les secrets derrière les plus grands albums et les œuvres grandioses des derniers siècles. Il parcourt aussi les salles de spectacle de Montréal, à la recherche de vibrations directes.