Alexjandro JimenezLÉO FERRÉ en mots, musique et… danse! Benoit Bergeron 2016/11/13 Concerts, Genres Un projet unique s’emparait hier soir de la 5e salle de la Place-des-Arts. Corps amour anarchie entendait rendre un hommage bien particulier à Léo Ferré, qui aurait fêté ses 100 ans cette année. Coup de cœur francophone (CCF) s’associait ainsi à PPS Danse dans ce spectacle bi-disciplinaire, qui alliait danse contemporaine et chanson française. La musique et les mots de Ferré ont pris une toute autre forme sous les mouvements habiles de danseurs passionnés. Pierre-Paul Savoie était chargé de la conception et de la mise en scène. Son équipe de danseurs était constituée de six jeunes danseurs : David Rancourt, Anne Plamondon, Sara Harton, Roxane Duchesne-Roy, Alexandre Carlos et Jossua Collin-Dufour. Pour leur part, Philippe Brault et Philippe B se partageaient la direction musicale. Philippe B, Michel Faubert, Bïa et Alexandre Désilets avaient la lourde tâche d’interpréter les pièces du grand poète français. Sheila Hannigan (violoncelle), Ligia Paquin (violon), David Carbonneau (trompette) et Alexis Dumais (piano) étaient également sur scène. Alexandre Désilets et David Rancourt, photographie d’Alexjandro Jimenez Une grande équipe œuvrait donc à ce spectacle, et elle n’a pas déçu. Associer des mouvements à une musique aussi imagée que celle de Ferré peut être risqué, mais les chorégraphes et les danseurs ont offert des moments de grâce et de sublime beauté, comme les enlacements sensuels sur Le fleuve aux amants, interprétée par un Michel Faubert très intense, avec l’émotion juste. Faubert a aussi été sans faille sur La chanson triste, chantée a cappella. La majorité du temps, les mouvements des danseurs épousaient le rythme de la musique et le sens des paroles, pour lui donner un second souffle, une nouvelle force qu’on n’aurait pu lui soupçonner. On a cependant senti Philippe B un peu décalé sur La mélancolie, qu’il a jouée seul au piano. Il s’est bien repris peu après sur la sulfureuse Les corbeaux. Bïa s’est révélée une très grande interprète. Toujours juste, elle nous a fait frissonner sur La vie d’artiste et sur Avec le temps, nous a fait danser sur Paname et nous a fait rêver sur La mémoire et la mer. Alexandre Désilets était bien en voix, rendant de belle manière les mots de Ferré sur la superbe C’est extra. Beaucoup associée à Noir Désir, Des armes a été toutefois un peu moins convaincante. Les concepteurs du spectacle ont finalement eu la brillante idée d’insérer quelques enregistrements originaux de Léo Ferré. On a ainsi pu l’entendre déclamer, dans son inimitable style mi-chanté mi-parlé, La solitude. Cette pièce a ouvert le concert, avec une chorégraphie pour accompagner le tout, et a donné le ton à la soirée. On a aussi eu droit à une version live de l’épique Il n’y a plus rien (réduite de plus de moitié de l’originale) et à Lorsque tu me liras. Le tout permettait d’amener une touche d’authenticité et d’histoire au concert, et de donner la véritable mesure de ce grand auteur-compositeur-interprète. Les limites de cette formule étaient toutefois évidentes, et il a été judicieux de ne pas en abuser. PPS Danse et CCF ont permis de nous faire entendre la musique de Ferré d’une autre manière, en y juxtaposant des mouvements de danse contemporaine. On ne saurait jamais ce qu’en aurait pensé le poète anarchiste, mais le résultat a été fort réussi. Il aurait cependant été pertinent de choisir quelques morceaux comme Les anarchistes, Ni dieu ni maître, L’oppression ou L’espoir, question d’être cohérent avec le titre du spectacle. Mis à part ces omissions, on a passé un excellent moment avec Léo, ses mots et son univers, réinventés par cette troupe de danseurs et de musiciens hors pair. Alors qu’un autre grand poète nous a quittés il y a quelques jours, la célébration de l’œuvre de Ferré tombait à point. C’était aussi un belle façon de terminer cette édition de Coup de cœur francophone, dont les derniers concerts ont lieu ce soir. Réagissez à cet article / Comment this article commentaires / comments