Parmi les gens les plus passionnés par la musique, il y a ceux et celles qui travaillent dans l’industrie: chez les labels, les relationnistes de presse, les promoteurs de concerts, les gestionnaires de salles de concerts, les journalistes culturels, etc. RREVERB propose une série d’entrevues avec les artisans passionnés de la musique. Cette semaine, rencontrons… THIBAULT CHOURAQUI Quel est votre nom, quel est votre rôle dans l’entreprise musicale où vous travaillez, et depuis quand y œuvrez-vous? D’où êtes-vous et où vivez-vous maintenant? Thibault Chouraqui, directeur des opérations chez Kay Productions, vice-président cofondateur chez ePasslive. Ce titre signifie plusieurs choses comme être responsable des différentes productions de la compagnie (coordination de tournées de spectacles, vidéoclips, relations avec les artistes), monter les différents dossiers de demandes de subventions pour les artistes du label, ou encore superviser des projets tels que la création et le fonctionnement de la plateforme ePasslive (service de billetterie en ligne). Je viens de Marseille, France. J’habite aujourd’hui à Montréal. Je travaille chez Kay Productions depuis juin 2010. Quand avez-vous commencé à travailler dans l’industrie musicale? Lors de mon stage de fin d’études à l’université aux États Unis. J’ai été embauché par une compagnie qui organisait un concours de bands international où j’ai travaillé pendant 2 ans en Europe, aux États-Unis et à Montréal. Quand avez-vous commencé à aimer la musique? Aussi loin que je me souvienne la musique a fait partie de ma vie. À 5 ans je tannais mes parents pour jouer du drum. Je n’ai pas lâché jusqu’à ce qu’ils acceptent un an et demi plus tard. À 20 ans, quel était votre rêve (dans le domaine musical)? Ça ne me paraissait même pas être une possibilité de travailler dans le domaine de la musique, qui depuis toujours était pour moi un loisir. Cette carrière s’est présentée devant moi par une succession de hasards et d’opportunités bien placées. Avez-vous été musicien/enne? Racontez-nous votre carrière. Adolescent j’ai été percussionniste dans une batucada brésilienne. On jouait dans plusieurs défilés un peu partout en Europe. À part cette brève aventure en tant que musicien professionnel, j’ai tout au long de ma vie pris part à des projets de musique en groupes amateurs. La majorité de mes expériences en tant que musicien l’ont été dans un cadre privé basé sur le plaisir partagé entre chums. Le fait d’avoir une formation et expérience de musicien me sert énormément dans la façon dont j’aborde mes activités professionnelles. Ceci dit il y a toujours eu une limite très claire entre mon environnement professionnel dans l’industrie musicale, et mon univers créatif de musicien qui demeure assez personnel. Ainsi, la relation que j’entretiens avec la musique et la création n’est soumise à aucune contrainte qu’une carrière de musicien aurait imposée. SUR L’INDUSTRIE MUSICALE En vivez-vous? Oui, ma position chez Kay Productions est un emploi à temps plein. Est-il encore possible aujourd’hui de gagner sa vie dans l’industrie musicale? Que faut-il faire pour y arriver? Absolument! Moi, mes collègues ainsi que la majorité des personnes avec qui j’interagis quotidiennement en sont la preuve. L’industrie a profondément changé dans les dernières années et le modèle “standard” n’est plus viable dans de nombreuses situations. Dans l’état actuel des choses, ceux qui en vivent sont ceux qui ont réussi à créer des modèles d’affaires en faisant preuve d’ambition, de créativité et d’audace. Le besoin de musique est aussi présent que jamais, alors il y aura toujours des artistes, artisans, professionnels et passionnés pour le combler. Sur scène au Dagobert en 2015 (crédit: Stereo Films) Il n’existe pas une formule gagnante, et c’est ce qui rend la transition que nous vivons dans le domaine de la musique si excitante. C’est le moment de réinventer les règles du jeu pour une industrie plus juste et équilibrée. Alors même si nous subissons une période de morosité économique, j’aime penser que le futur brille à l’horizon. Quelle(s) rencontre(s) a(ont) été déterminante(s) dans votre carrière dans l’industrie musicale? Tout au long de ma vie, j’ai croisé la route de personnalités qui m’ont aidé à façonner le chemin que j’ai emprunté. Des professeurs et chefs d’orchestre qui ont allumé un intérêt et entretenu un enthousiasme, aux amis avec qui j’ai commencé à tapocher maladroitement sur des riffs pas toujours justes, jusqu’aux professionnels qui ont décidé de me faire confiance en me donnant des responsabilités très tôt dans ma carrière. Une rencontre des plus déterminante dans les dernières années est celle d’Alexan Artun, président fondateur de Kay Productions. Fraichement débarqué au Québec avec mon sac à dos, je l’ai rencontré sur le stationnement du magasin de musique Steve’s à Montréal. Il m’a pris dans son équipe et m’a confié la gestion de projets ambitieux pour l’aider à développer le label et les productions de spectacle. Il est l’entrepreneur visionnaire et ambitieux qui mène la compagnie avec énergie, alors que je suis le pragmatique qui formalise et encadre les différentes opérations. Nous entretenons ainsi depuis 5 ans une relation de collaboration basée sur une confiance mutuelle qui nous a aidés à accomplir de nombreux projets qui nous rendent particulièrement fiers. Alexan Artun, les représentantes de Chyz Fm et Thibault Chouraqui, lors de l’Omnium du Rock 2013 Qu’aimez-vous dans votre emploi / occupation actuelle? Tellement de choses! La liberté que je peux avoir sur l’organisation de mon travail et les décisions que je dois prendre, la variété des projets sur lesquels je travaille et à quel point ils sont stimulants et gratifiants, les défis à accomplir. Ça me tient éveillé! Par-dessus tout, j’aime travailler sur toutes les étapes d’un projet, du premier brainstorm où on partage des idées brutes à la concrétisation finale, être impliqué du début jusqu’à la fin, poser son nom en bas de la page et être fier de ce qui a été accompli. Que changeriez-vous de l’industrie musicale d’aujourd’hui? C’est difficile à dire, et certaines idées sont contradictoires. D’un côté j’aimerais pouvoir faire comprendre au grand public les conséquences des habitudes prises dans la dernière décennie qui ont fait en sorte que la musique est devenue un produit gratuit dans l’inconscient collectif. D’un autre côté les changements des modes de consommation sont un moteur d’innovation d’une industrie qui était devenue complaisante. Ce qui me parait le plus important aujourd’hui est la démocratisation des modes de diffusion, pour partager plus équitablement le pouvoir de décider quelle est la chanson de l’heure ou le groupe du moment. Le vinyle, la cassette, le CD ou le digital? Un mélange de vinyle et de digital. Ces deux formats sont tellement complémentaires! J’aime rentrer chez moi et placer une galette sur la table tournante. Quand j’écoute un album, c’est dans l’ordre et en entier. Le numérique, quant à lui, permet de faire des liens, de découvrir, d’explorer et de partager plus que jamais. Avec Stéphanie Dubuc SUR LES ARTISTES ET LA MUSIQUE Vos styles de musique préférés? Est-ce que ça toujours été le cas dans votre vie? J’ai toujours été attiré vers le Classic Rock, le Jazz et le blues. Hard rock. Bluegrass et musique classique ne sont jamais bien loin. En ce moment je consomme beaucoup de folk, de disco-funk et de 70s prog. Je suis également avide de musique actuelle, allant de l’électro au rock alternatif. Souvent, je vais me retrouver obsédé par certains artistes sans que le style n’ait forcément une grande influence sur mes goûts. Sur une île déserte, vous emmèneriez ces 5 albums (pas plus). C’est de loin la question la plus difficile de toutes. Wish you were here – Pink Floyd In the beginning – Journey Black Parade – My Chemical Romance Paris-Provinces Aller/Retour – Renaud Recette Maison – Les 8 Babins Ceci dit sans électricité, autant prendre les albums avec le meilleur visuel! Playlist! Quel artiste brillant aurait dû percer davantage, selon vous? De nombreux artistes émergents entrent dans cette catégorie, trop d’entre eux ne sont malheureusement plus actifs. Little Stella, The Vare, Barton Fink, Ben Cardilli, The Callow, Arcus Cloud… Le Québec renferme des trésors. Allez, une autre playlist, on est là pour ça, découvrir de la bonne musique! Qui aimeriez-vous rencontrer? George Brassens Merci Thibault! Pour suivre les activités de l’Omnium du Rock et de Kay Productions, cliquez sur les logos ci-dessous. Réagissez à cet article / Comment this article commentaires / comments