À défaut d’être original, il faut constater que l’année 2016 a été marquée par le deuil, avec le trépas de plusieurs grands musiciens de la scène locale et internationale. On pleure entre autres la perte de Leonard Cohen, David Bowie, Prince, Sharon Jones, Bob Walsh et Merle Haggard, de grands artistes qui laissent derrière eux un œuvre mémorable. Encore une fois cette année, une pléthore d’albums sont parus, plus qu’on ne peut en ingérer. Parmi les quelques 250 albums que j’ai pu écouter, voici donc les meilleurs de ceux qui ont retenu mon attention.

 

10-PIERS FACCINI – « I Dreamed An Island »

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L’auteur-compositeur-interprète est né à Londres de père italien et de mère anglaise, et a vécu en France à partir de l’âge de 5 ans. Ce mélange de cultures s’entend dans la musique de Piers Faccini. Son sixième album tire beaucoup d’influences de la musique méditerranéenne, et offre un folk à saveur « arabo-occidentale », chanté en arabe, en français, en anglais et en italien. Sa musique est autant ensoleillée (The Many Were More et Judith) que méditative (Drone) et engagée (Bring Down The Wall et Oiseau). Les arrangements sont encore ici d’une grande qualité (To Be Sky), avec la voix discrète de Faccini toujours en phase avec la musique.

9-LEONARD COHEN – « You Want It Darker »

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Le chant du cygne du grand Leonard Cohen est plus que réussi. Enregistré alors que Cohen était plutôt malade, « You Want It Darker » porte évidemment les traces des 82 ans de Cohen : le flot de paroles est lent, plus parlé et récité que chanté. S’il est beaucoup diminué, l’organe vocal du poète montréalais n’en reste pas moins un véhicule puissant et rempli d’émotions pour ses textes portant sur la mort (You Want It Darker et Leaving The Table), Dieu (Steer Your Way), l’amour (If I Didn’t Have Your Love et Treaty), entre autres. La réalisation de son fils Adam est superbe, avec une utilisation judicieuse de cordes et chœur féminin. Ce splendide album nous montre, si besoin il y avait, que de la noirceur peut jaillir la lumière et la beauté.

8-DALTON TÉLÉGRAMME – « Sous la fourrure »

Ouvertement influencé par Lisa LeBlanc, ce quatuor belge (originaire de la ville de Liège) a fait paraître son premier album cette année. « Sous la fourrure » se veut presque un croisement entre Johnny Cash et le Renaud des années 70-80 : des airs country lourds et efficaces (Vos agrafes, Tant pis pour hier et Notre route) alternent avec des textes qui dégagent une insouciance et une exubérance attachantes (Je t’ai jeté et Évidemment). Leur musique fait partie de cette chanson française moderne et vivante (La confusion), avec des touches d’americana (Tequila), de blues et de country-folk. Dalton Télégramme aime bien le Québec; ils s’y sont produit au dernier Coup de cœur francophone. Espérons qu’ils reviennent bientôt!

7-ANGEL OLSEN – « My Woman »

Sur son quatrième album, l’Américaine de 29 ans y est allé encore plus lo-fi que sur ses efforts précédents. On la sent ainsi à fleur de peau (Sister), vulnérable (Woman) et fragile (Intern et Pops). À d’autres moments, son indie-rock est diablement efficace et bien balancé (Never Be Mine et Shut Up Kiss Me). Très bien équilibré, cet album va chercher une variété d’ambiances, du plus intimiste au refrain (presque) fédérateur. Voilà donc un tour de force pour cette brillante auteure-compositrice-interprète.

6-BERNHARI – « Île Jésus »

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Le mystérieux Bernhari (quoiqu’il devient de moins en moins secret) a fait paraître cette année un autre excellent album, son deuxième en trois ans. Si le premier sortait de nulle part, celui-ci était attendu, et Bernhari a su nous surprendre en renouvelant son univers sonore. Les synthétiseurs occupent beaucoup plus de place sur « Île Jésus », donnant une atmosphère presque dystopique, à la Orange mécanique (Aime-moi). Les ambiances sonores et les textures de l’album sont enveloppantes, s’insinuant lentement en nous (Emmène-moi, en duo avec Stéphanie Lapointe). Enfouie au fond du mix (Île Jésus), ou le survolant (Je pense à toi), la voix de Bernhari est toujours aussi particulière, d’une noble prestance et d’une préciosité certaine. Tous ces éléments mis ensemble résultent en un superbe album, cohérent et planant au possible.

5-KLÔ PELGAG – « L’étoile thoracique »

Sur son deuxième album, Klô Pelgag a raffiné encore plus sa proposition musicale, travaillant avec un orchestre d’une quinzaine de musiciens, dont les arrangements ont été réalisés par son frère Mathieu. La Gaspésienne à la voix haut perchée a un talent indéniable, et elle en montre de grands pans, avec la richesse de ses mélodies (Samedi soir à la violence) et de sa voix (Les ferrofluides-fleurs). Inventif et dense, son univers lyrique reste toujours mystérieux (Chorégraphie des Émes), mais ô combien imagé (Au bonheur d’édelweiss). Voici une artiste ambitieuse, qui prend les moyens de ses ambitions, et qui assume complètement sa créativité atypique. C’est en ce sens qu’elle nous rappelle un Pierre Lapointe – au féminin. Ce n’est pas rien.

4-HAMILTON LEITHA– USER + ROSTAM – « I Had A Dream That You Were Mine »

La collaboration inattendue entre Leithauser, le chanteur du groupe indie-rock The Walkmen, et Rostam Batmanglij, multi-instrumentiste et réalisateur de Vampire Weekend, a donné un des meilleurs albums de l’année. Si Leithauser pousse parfois un peu trop sa voix (When The Truth Is…), il est aussi capable d’être plus restreint (In A Black Out). Ailleurs, la réalisation est impeccable (A 1000 Times), entre doo-wop (Rough Going (I Won’t Let Up)), country (Peaceful Morning), indie-rock (The Morning Stars) et folk (The Bride’s Dad). Malgré ce large éventail musical, le tout colle parfaitement ensemble. On sent que les deux musiciens ont eu beaucoup de plaisir à faire cet album; sûrement autant qu’on a eu à l’écouter.

3-DANIEL BÉLANGER – « Paloma »

On ne l’attendait pas tellement, son huitième album. Mais il est arrivé comme une bouffée d’air frais dans cette fin d’automne gris. Bélanger a presque tout fait seul sur cet opus, et il s’agit sûrement de son meilleur album en 15 ans. Les chansons sonnent à la fois comme des classiques de Bélanger (Il y a tant à faire) que comme des propositions renouvelées et franchement intéressantes (Ère de glace). L’auteur-compositeur-interprète n’est pas non plus à court de refrains accrocheurs (Tout viendra s’effacer). S’il tente de manière plus ou moins réussie d’y aller plus lourdement (Métamorphose), les pièces plus dépouillées mettent en valeur ses superbes textes (Un deux trois j’aurai tout oublié et Un).

2-MICHAEL KIWANUKA – « Love And Hate »

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Plus de quatre ans après son premier album, Michael Kiwanuka a livré un second opus d’une qualité remarquable. Si « Home Again » laissait présager une brillante carrière à ce jeune Anglais d’origine ougandaise, « Love And Hate » montre que le talent de Kiwanuka est sans limite. On entend ici et là des relents du Pink Floyd des années 70 (Cold Little Heart). La musique est excellente, planante et superbement enregistrée (Love And Hate), mais c’est sans contredit la voix de Kiwanuka qui se démarque (Black Man In A White World). Elle survole les pièces, avec son timbre riche de soul man au sommet de son art (I’ll Never Love). Les émotions qu’il va chercher sont puissantes (Falling). Un superbe album, vraiment.

1-LA MAISON TELLIER – « Avalanche »

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À mon humble avis, le meilleur album de 2016 est celui du groupe français La Maison Tellier. Le nom du groupe ne renvoie pas à un quelconque vignoble, mais plutôt à une nouvelle de Guy de Maupassant. Cela peut donner une idée des influences littéraires du groupe, qui se transposent dans leurs textes mélancoliques, empreints d’une profonde sensibilité (En toutes choses). Très à-propos, l’interprétation est souvent à fleur de peau (Haut, bas, fragile), sur fond de musique folk-rock pop raffinée (Amazone). Le cinquième album de la formation normande frappe donc droit dans le mille, alternant les moments de beauté (Cinq est le numéro parfait) avec les passages plus emportés (J’ai rêvé d’avalanches), toujours avec justesse et aplomb.


Ces cinq albums ont raté de très peu mon Top 10 :

Basia Bulat – « Good Advice »
Constantinople & Ablaye Cissoko – « Jardins migratoires »
David Bowie – « Blackstar »
Max Jury – « Max Jury »
PJ Harvey – « The Hope Six Demolition Project »

 

J’ai finalement préparé une liste de lecture comprenant une chanson des 15 albums ci-haut, en plus de six autres excellentes pièces parues en 2016.

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Blogueur - RREVERB
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Curieux de nature, Benoit est un boulimique musical qui consomme de presque tous les genres. Du punk au classique, en passant par le folk, le psychédélique et le rockabilly, il sait apprécier les subtilités propres à chacun de ces courants musicaux. À travers des centaines d'heures d'écoute et de lecture de biographies, il tente de découvrir les motivations et les secrets derrière les plus grands albums et les œuvres grandioses des derniers siècles. Il parcourt aussi les salles de spectacle de Montréal, à la recherche de vibrations directes.