JEAN-PHILIPPE SYLVESTRE et l’OSDL : Triomphal!

L’Orchestre Symphonique de Longueuil (OSDL) amorçait sa 29e saison hier soir à la Salle Pratt & Whitney du Théâtre de la Ville. Dirigé par Marc David, ce concert avait un programme entièrement russe, d’où le titre de l’événement : « La Troïka ». Un trio d’œuvres étaient présentées, soit l’Ouverture Maslenitsa, d’Aïrat Ichmouratov, la Symphonie no. 2, d’Alexandre Borodine et le Concerto pour piano no. 3, de Sergueï Rachmaninov.

Le cœur du spectacle était sans contredit le Concerto no. 3 de Rachmaninov, considéré comme l’un des plus redoutables. Le pianiste québécois Jean-Philippe Sylvestre avait la lourde tâche d’exécuter cette œuvre monumentale. Celui dont on vous avait parlé il y a deux semaines se joignait donc à sa mère, violoniste au sein de l’OSDL, et à maestro David dans l’interprétation de cette pièce composée en 1909. Quitte à vendre la mèche, on peut vous dire que Sylvestre est un excellent pianiste et que son interprétation a été magistrale. Le premier thème du Concerto, très simple mais hautement mélodique, est énoncé par le piano, puis repris par l’Orchestre. Se déploie ensuite un grand élan de virtuosité de la part du pianiste, qui sera une constante lors de ce chef-d’œuvre du romantisme tardif. La cadence du premier mouvement est titanesque. Le pianiste de Sainte-Julie l’exécute avec brio et grandeur, martelant les touches du piano en combinant justesse et puissance.

Au deuxième mouvement, une longue et douce introduction est exposée seul par l’Orchestre, et le piano reprend ce thème dans une série de variations. Bien dirigés le chef d’orchestre, les échanges entre le soliste et l’Orchestre sont merveilleux. L’un appuie l’autre et on entend bien chacun. Le Finale, Alla Breve, est d’un dynamisme contagieux. La fougue du soliste est belle à voir : il met toute son énergie dans chaque note jouée. Un interlude plus calme, mais toujours très harmonieux et bien interprété, mène à une superbe mélodie romantique jouée par les cordes. De puissants accords sont plaqués par le pianiste. Un ultime élan de bravoure clôt cette pièce, puis Sylvestre lève le poing en l’air, en signe de triomphe. Très inspiré et poétique, son jeu a été renversant.

Pour débuter le concert, on avait eu droit à l’Ouverture Maslenitsa, du compositeur russo-québécois Aïrat Ichmouratov, né à Kazan en 1973, mais résidant au Québec depuis 1998. La Maslenitsa est une fête folklorique russe, célébrée juste avant le carême orthodoxe. Créée en 2013, cette œuvre a donc le caractère d’une fête : à la fois solennelle et enjouée. Une longue et belle introduction dominée par les vents mène à un segment plus rythmé et énergique. Le jeu de l’Orchestre est vivant, rendant bien l’atmosphère grandiose et émouvante de la pièce. Ancrée dans la tradition russe, cette œuvre est d’une beauté déroutante. Présent au concert, le compositeur est venu recueillir les chaleureux applaudissements du public.

La Symphonie no. 2 de Borodine complétait la première partie. Ce compositeur a eu une vie plutôt atypique, partageant son emploi du temps entre son métier de chimiste et son « passe-temps » de compositeur! Il n’en est pas moins un brillant compositeur, et sa Symphonie no. 2, terminée en 1876, est une de ses œuvres les plus connues. Surnommée « Épique », cette pièce débute comme son surnom l’indique, avec un thème ardemment joué par les cordes, puis repris par les vents. Ces deux sections semblent d’ailleurs en lutte pendant une bonne partie de ce premier mouvement. Le travail du chef d’orchestre fait bien ressortir les nuances de chaque section. Le troisième mouvement, noté Andante, a un premier thème très lyrique, joué par la harpe, les cors et les clarinettes. Le jeu retenu de l’Orchestre rend justice au charme de l’œuvre. Le Finale est très animé et dansant, mais aussi très mélodique. Dans ce mouvement, les cordes ont toutefois quelque peu de difficulté à se faire entendre lorsque tout l’orchestre joue fortissimo.

Ce premier concert de la saison de l’OSDL a donc été un grand succès, avec un programme franchement intéressant et une interprétation honnête et juste. Le merveilleuse prestation de Jean-Philippe Sylvestre nous a également plongé dans une douce béatitude. La plus grande surprise de ce spectacle a cependant été l’Ouverture Maslenitsa, dans la mesure où l’œuvre était à peu près inconnue de tous. Bravo à l’OSDL d’avoir contribué à faire connaître cette œuvre!

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Curieux de nature, Benoit est un boulimique musical qui consomme de presque tous les genres. Du punk au classique, en passant par le folk, le psychédélique et le rockabilly, il sait apprécier les subtilités propres à chacun de ces courants musicaux. À travers des centaines d'heures d'écoute et de lecture de biographies, il tente de découvrir les motivations et les secrets derrière les plus grands albums et les œuvres grandioses des derniers siècles. Il parcourt aussi les salles de spectacle de Montréal, à la recherche de vibrations directes.