Le Festival de musique de chambre de Montréal se poursuivait ce dimanche après-midi, avec le dernier concert de l’intégrale des quatuors à cordes de Beethoven. La Salle Pollack était l’hôte de ce sixième et dernier concert de l’intégrale, défi titanesque en soi. Le Quatuor Dover a été d’office pour ces six spectacles, et on peut dire sans se tromper que le jeune quatuor maîtrise de belle manière la musique du compositeur viennois. Les violonistes Bryan Lee et Joel Link, l’altiste Milena Pajaro-van de Stadt et le violoncelliste Camden Shaw ont livré une superbe performance (on avait aussi eu la chance de les entendre il y a deux ans).

Les 16 quatuors à cordes de Beethoven constituent un formidable corpus, varié et riche dans son langage musical comme dans son expressivité émotionnelle. La composition des 16 quatuors s’échelonne sur près de 25 ans et témoigne de l’évolution de Beethoven en tant que créateur de musique.

Le concert de dimanche était le point d’orgue de cet ambitieux projet. La première œuvre jouée hier était le Quatuor à cordes no. 4, un des six de l’Opus 18, composés en 1799-1800. Le Quatuor Dover a rapidement démontré une grande cohésion, essentielle dans ce genre musical. Le premier mouvement a été joué avec grâce et élégance, alors que le finale, très énergique, a été interprété avec passion et intensité. Cette œuvre de jeunesse au caractère grave n’était toutefois qu’un avant-goût du meilleur à venir.

Le Quatuor à cordes no. 16 était ensuite interprété. Terminé en 1826, soit un an avant la mort de Beethoven, ce Quatuor a un caractère énigmatique et mystérieux, voire déroutant. Il fait partie du groupe des cinq « derniers quatuors », composés durant les dernières années de sa vie, et alors qu’il se consacrait exclusivement à ce genre musical, que ces œuvres magnifiques ont révolutionné. Le Quatuor no. 16 est de prime abord moins monumental et imposant que les autres œuvres de ce groupe de quatuors. Il ne faudrait tout de même pas diminuer cette pièce, qui est tout de même superbe, et qui est jouée avec aplomb et intensité par le Quatuor Dover. Sur la partition, Beethoven a par ailleurs inscrit cette phrase énigmatique, qui lui restera associée : « Muß es sein? Es muß sein! », que l’on peut traduire par « Cela doit-il être ? Cela doit être ! ».

Le substantiel Quatuor à cordes no. 14 occupait toute la deuxième partie du concert. Achevé en 1826, ce Quatuor est considéré comme le plus réussi des quatuors de Beethoven. Profonde et intense, l’œuvre est méditative par longs moments, reflétant l’état d’esprit d’un Beethoven emmuré dans sa surdité qui l’affligeait durant les dernières années de sa vie. Comprenant sept mouvements joués sans pause, cet inhabituel quatuor a pour centre de gravité un très long mouvement lent, fait de variations aussi élégantes que variées. L’interprétation en est très soignée, tout en nuances et finesse. Dans le finale, le Quatuor Dover fait preuve d’une intensité sonore et d’une flexibilité dont peu d’ensembles sont capables. La charge émotionnelle est grandiose et la polyphonie est rendue avec justesse et précision.

On salue en conclusion l’audace du Festival de musique de chambre de Montréal, qui a osé le pari de présenter un tel corpus d’œuvres, en plus d’une programmation variée au cours de ses autres spectacles. On vous invite justement à aller consulter l’horaire du Festival (ici), qui se poursuit jusqu’au 18 juin. Le fondateur et directeur artistique du Festival, Denis Brott, a d’ailleurs fait part au public de ses projets pour les prochaines années : il aimerait présenter l’intégrale des quatuors de Beethoven tous les trois ans. Le tout débuterait en 2020, année charnière qui coïnciderait avec les 25 ans du Festival et le 250e anniversaire de naissance de Ludwig van Beethoven!

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Curieux de nature, Benoit est un boulimique musical qui consomme de presque tous les genres. Du punk au classique, en passant par le folk, le psychédélique et le rockabilly, il sait apprécier les subtilités propres à chacun de ces courants musicaux. À travers des centaines d'heures d'écoute et de lecture de biographies, il tente de découvrir les motivations et les secrets derrière les plus grands albums et les œuvres grandioses des derniers siècles. Il parcourt aussi les salles de spectacle de Montréal, à la recherche de vibrations directes.