Comment résumer, en quelques centaines de mots, près de 10 heures de concerts sur une période de 28 heures? C’est en effet le genre d’expérience et de dilemme que peut offrir le volet intérieur de la Virée classique, que l’Orchestre symphonique de Montréal (OSM) organisait pour une 7e année consécutive. Après une autre belle soirée au grand concert extérieur, ce mercredi soir, et un week-end plus que réussi, la Virée classique confirme qu’elle a sa place parmi les grands festivals montréalais. Déplacé cette année du début août à la fin du mois, ce Festival a de plus prouvé que la musique classique est bien vivante à Montréal.

Le concept est simple mais diablement intéressant : l’OSM proposait 30 concerts d’une durée de 45 à 60 minutes, au coût de 10 à 45$. Plusieurs activités gratuites de toutes sortes étaient également proposées aux jeunes ou moins jeunes qui se déplaçaient à la Place des arts, centre névralgique de cet événement foisonnant. La diversité des propositions était particulièrement attrayante cette année. On a pu entendre autant de la musique classique du Moyen-Orient que du cymbalum, cet instrument à cordes tzigane, semblable au piano. Magnifiques, ces deux concerts ont mis en valeur les talentueux Nazih Borish au oud et Alexandru Sura au cymbalum.

Cette ouverture au monde ne laissait tout de même pas en reste les amateurs de musique classique occidentale, elle qui demeurait une fois de plus maîtresse. Je n’ai évidemment pas pu tout voir, mais les performances auxquelles j’ai assisté étaient toutes d’une très grande qualité. L’altiste Marina Thibault a offert un superbe récital. Celle qui doit accoucher dans environ deux semaines n’a pas paru incommodée par le petit être qui devait gigoter dans son ventre. Dans la très intimiste Salle Claude-Léveillée, sa prestation était d’une beauté sans nom (on retient surtout le mouvement lent des Märchenbilder de Schumann, berceuse pour son enfant à naître). Elle contribue encore une fois à mettre en valeur l’alto, instrument aux sonorités expressives et magnifiques, mais souvent relégué au second plan.

Le guitariste Steve Hill s’est produit avec l’OSM dans The Electric Candlelight Concerto de John Anthony Lennon (ne pas se mélanger avec l’autre Lennon), pièce dans laquelle il a pu montrer toute l’étendue de sa virtuosité. On n’a pas souvent l’occasion d’entendre un concerto pour guitare électrique et orchestre à la Maison symphonique, alors on s’en est régalés. Hill a aussi amené un public qui ne fréquente pas souvent ce lieu. Le son n’était pas toujours à point, mais il faut dire que ce n’est pas évident à balancer. Malgré quelques défaillances, c’était tout de même bien sonorisé pour ce type de morceau.

Une autre offre musicale atypique était la présentation de deux films muets de Laurel et Hardy, soit You’re Darn Tootin’ et Big Business. Il faut dire que l’OSM présente depuis quelques années une série de films accompagnés à l’orgue, et l’initiative est très intéressante. Gabriel Thibodeau était à l’orgue pour ces deux courts mais délirants et absurdes films. Le jeu d’orgue suit parfaitement les pitreries des célèbres comédiens burlesques. Souvent fantaisiste et évocatrice, la musique collait parfaitement aux événements du film. Thibodeau exploite par ailleurs très bien l’immense registre du Grand Orgue Pierre-Béique et de ses 6489 tuyaux.

Du côté des solistes, de grandes performances ont été livrées par les pianistes Paul Lewis dans le Concerto no 27 de Mozart et Alexei Volodin dans le Concerto no 1 de Tchaïkovski. La violoniste moldave Patricia Kopatchinskaja a également offert une superbe prestation dans le Concerto no 1 de Bartók. Notons également sa prestation dans le Pierrot lunaire de Schoenberg. Déguisée et parfois désopilante dans ses expressions, elle était aussi très bonne au chant. Dans le Concerto pour trois clavecins de Bach, Geneviève Soly, Luc Beauséjour et Mark Edwards ont été d’une précision et d’une virtuosité renversantes; même chose pour la violoniste Mayumi Seiler dans la Partita no. 2 de Bach. Pour couronner le tout, Kent Nagano, l’Orchestre et le Chœur ont été grandioses dans, notamment, des extraits de La Walkyrie de Wagner et Aïda de Verdi.

Architek Percussion, en prestation à l’Espace culturel Georges-Émile-Lapalme de la Place des arts. Photo prise par Benoit Bergeron

Au cours de la soirée de vendredi et de la journée de samedi, les choix déchirants étaient légion, et malgré que ça puisse être décevant par moments, cette volonté d’ubiquité fait la marque des grands festivals et témoigne de la richesse de l’offre. L’effervescence était palpable ce week-end à la Place des arts et tout près. Presque sans interruption, l’espace culturel Georges-Émile-Lapalme (près de l’entrée de la rue Sainte-Catherine) était le lieu d’intéressants événements gratuits, alors que la Grande-Place du Complexe Desjardins a vu défiler un imposant orchestre et d’autres activités. Finalement, on ne peut qu’espérer que la Virée classique continue pour plusieurs années encore!

Réagissez à cet article / Comment this article

commentaires / comments

About The Author

Blogueur - RREVERB
Google+

Curieux de nature, Benoit est un boulimique musical qui consomme de presque tous les genres. Du punk au classique, en passant par le folk, le psychédélique et le rockabilly, il sait apprécier les subtilités propres à chacun de ces courants musicaux. À travers des centaines d'heures d'écoute et de lecture de biographies, il tente de découvrir les motivations et les secrets derrière les plus grands albums et les œuvres grandioses des derniers siècles. Il parcourt aussi les salles de spectacle de Montréal, à la recherche de vibrations directes.