Après des concerts à soutenir l’Opéra de Montréal et Mika, l’Orchestre symphonique de Montréal (OSM) était de retour à son répertoire plus familier mardi soir. La première de trois représentations avait lieu à la Maison symphonique et mettait en vedette le pianiste d’origine polonaise Emanuel Ax. Ce dernier était soliste dans le Concerto pour piano no. 1 de Johannes Brahms. Ax mène une carrière internationale depuis près de 40 ans et a remporté plusieurs prix Grammy. Le pianiste de 65 ans, qui a déjà joué une quinzaine de fois avec l’OSM, a livré une performance époustouflante, comblant les attentes placées en lui.

Brahms a terminé ce Concerto en 1858, alors qu’il n’avait que 25 ans. À l’époque, il avait été plutôt mal reçu, notamment parce que plusieurs l’accusaient de placer orchestre et soliste sur un pied d’égalité. Il a, depuis, fait sa place et s’impose aujourd’hui comme l’un des chefs-d’œuvre du répertoire concertant pour piano. Ax et l’OSM, dirigé par Kent Nagano, ont dialogué tout au long du Concerto, échangeant des thèmes tantôt lyriques, tantôt très vigoureux. Le deuxième mouvement a été d’une beauté saisissante et émouvante, joué en retenue et en douceur. Le finale a été rendu de manière énergique. Nagano a bien géré les échanges et a insufflé une belle énergie à l’Orchestre. Le pianiste, loin d’être flamboyant, n’en était pas moins très efficace, avec une superbe fluidité et un jeu précis.
On peut justement entendre Emanuel Ax dans ce Concerto de Brahms, lors d’une captation qui date de 2011.

En ouverture de concert, l’OSM nous offrait la première mondiale de Nocturne, une composition du Montréalais Samy Moussa. Nommé Compositeur de l’année au plus récent gala des prix Opus, le jeune homme de 30 ans est basé à Berlin depuis quelques années, mais était présent hier. Sa courte pièce d’une dizaine de minutes a un titre trompeur. On est loin de l’esprit romantique et rêveur du nocturne, popularisé surtout par Chopin. C’est plutôt une pièce grave et sombre, parfois tapageuse, dans l’esprit de Wagner et Strauss. On comprend tout de même pourquoi ce compositeur obtient un certain succès (Pierre Boulez notamment lui a commandé une œuvre). Sa maîtrise de l’orchestre est intéressante, et l’OSM rend très bien son Nocturne.

L’OSM a également interprété la Symphonie no. 5 de Felix Mendelssohn. Composée en 1830, alors que ce prodige n’avait pas encore 21 ans, cette œuvre n’a cependant pas été la préférée du compositeur. Il l’a mise de côté et elle n’a été publiée qu’en 1868, soit 21 ans après sa mort. C’est pourtant une magnifique œuvre, sans être du niveau d’autres grandes symphonies. Elle est par ailleurs sous-titrée «  Réformation », en raison des nombreux emprunts à la liturgie protestante. Nagano a tiré une grande performance de son Orchestre. Les deux derniers mouvements en particulier ont été réussis. Le solo de flûte au finale a été merveilleux, et l’intense passage fugué a été joué de manière presque parfaite.

L’OSM a donc offert une brillante prestation, avec la célèbre Symphonie de Mendelssohn, puis l’excellent Concerto de Brahms. Expressif et engagé, l’Orchestre nous a, encore une fois, démontré l’étendue de son savoir-faire. Il a aussi été intéressant de découvrir le Nocturne du jeune Moussa. Il peut être parfois difficile de se faire une idée d’une œuvre lors d’une première écoute en spectacle. Ceux qui étaient au spectacle et qui voudraient réentendre ce Nocturne, ou ceux qui n’ont pu y aller, pourront tout de même se reprendre. En effet, le concert de ce soir, avec un programme identique, est filmé et sera diffusé en direct sur le site Medici.tv, puis en différé pour une période de trois mois. Belle occasion pour entendre cet excellent programme!

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Curieux de nature, Benoit est un boulimique musical qui consomme de presque tous les genres. Du punk au classique, en passant par le folk, le psychédélique et le rockabilly, il sait apprécier les subtilités propres à chacun de ces courants musicaux. À travers des centaines d'heures d'écoute et de lecture de biographies, il tente de découvrir les motivations et les secrets derrière les plus grands albums et les œuvres grandioses des derniers siècles. Il parcourt aussi les salles de spectacle de Montréal, à la recherche de vibrations directes.